#anthologie #27 | Débuts non fortuits

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Elle a composé le code d’accès de l’immeuble de la rue Saint Charles et se dirige vers l’ascenseur. Elle trouve que ça sent bon dans le hall, il y a des plantes vertes, de la lumière, de la clarté. Dans l’ascenseur, quelque chose qui ressemble à de la peur monte en elle, mais rien ne l’arrêtera, il faut qu’elle rencontre cette femme. Elle doit avoir 21 ans. Son père est mort l’an dernier et elle a découvert dans ses papiers qu’il avait été marié avant d’épouser sa mère. Elle avait questionné la fille de son meilleur ami au sujet de cette femme inconnue qui avait du compter dans sa vie au point de se marier. Et voilà que celle-ci la connaissait, qu’elle lui avait demandé si elle désirait rencontrer la fille de J.P, ce à quoi S avait répondu tout de suite qu’elle en avait très envie. Elle est arrivée au 7ème étage et maintenant elle sonne à la porte de S., retenant son souffle.

#20 | trois instants de toi

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Il fallait bien m’y attendre, un jour ou l’autre, ça devait arriver. D’abord maman, celle que les enfants appelaient Bonne maman, celle qui m’accueillait toujours sur sa poitrine, celle pour qui j’étais pour toujours son petit garçon. Et puis mon père, cet homme dur, qui ne savait plus rire depuis la Grande Guerre, devant lequel on rampait par ce qu’il avait toujours raison. Un jour pourtant il m’a dit quelque chose qui me l’a rendu humain et dont j’essaie de me souvenir, je devais avoir 8 ou 9 ans, j’étais exceptionnellement seul avec lui, je ne sais plus pourquoi, nous avions fait halte dans un hôtel dans le centre de la France, et dans cette chambre mon père s’était intéressé à moi, il m’avait parlé, il m’avait questionné, il essayait de faire ma connaissance. Très longtemps après, je devais avoir une quarantaine d’années, il m’avait avoué que c’était pour lui son meilleur souvenir, cette nuit à se parler, dans cet hôtel quelconque. Maintenant que mes parents sont morts, il va falloir vider leur maison, se partager leurs biens, se méfier des vautours, des jalousies, des rancœurs et des souvenirs qui vous sautent au visage.

# 11| Faut pas que je la loupe

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A tout bien considérer Mademoiselle, vous ne correspondez pas au profil recherché, mais nous avons apprécié notre échange, riche et porteur de sens. Nous vous souhaitons de trouver le poste qui correspondra au mieux à vos compétences et à vos attentes, etc.…

Bref, ce n’est pas dans l’édition que je ferai carrière, je m’en doutais, je suis trop atypique, trop dilettante, mon parcours trop sinueux, je ne rassure pas grand monde, surtout pas un directeur de collection. J’en ai vu d’autres, passons. J’aimerais prendre mon téléphone et parler à un ami ce soir, de là d’où je viens, de mes chemins de traverse, de l’étouffement primordial, lui en dire assez pour qu’il comprenne où j’en suis aujourd’hui. Que cet ami me renvoie quelque chose de positif qui me pousse vers l’avant, qu’il me dise de ne pas lâcher prise, que je suis sur la bonne voie. Pas un analyste que je paierai, il est des choses humaines qu’il faut écouter au-delà du mental et du rationnel. Commencer par le début, la naissance, l’enfance, l’apprentissage, la sociabilisation, les écueils, les erreurs, les chutes, mes chutes qui m’ont constituées. Reprendre l’histoire depuis le début, ce serait trop long. Non, ne pas parler au téléphone ce soir, ma voix me trahirait, l’ami me demanderait tout de suite, tu es sûre que tu vas bien ? Et je serais incapable d’aller plus loin. Alors, allumer l’ordinateur et commencer par m’écrire à moi-même.

# 00 Prologue | Par le cordon

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