Dans le train, ambiance feutrée. On a toujours l’impression que c’est l’heure de la sieste. Peut-être que dans le train personne ne se connaît. Pas de bruit. Le bruit du haut-parleur lance une voix brouillée. Est-ce qu’on doit écouter ce qu’elle dit ? Est-ce important ? Le son est tellement grésillant et ténu qu’on décide que ce n’est pas important, par paresse. Un groupe de femmes derrière à droite de l’autre côté du couloir, peut-être trois femmes, assises dans un carré de quatre sièges qui se font face – trois voix, mais peut-être sont-elles quatre et une se tait. Elles parlent fort, surtout une – une voix ferme, un peu aiguë et granuleuse, on lui donnerait au moins la cinquantaine à la voix. Parfois on a l’impression qu’elle parle seule, mais c’est parce que la réponse se fait murmure, par contraste avec la première voix. Agacement à ma gauche, on aurait choisi la mauvaise place, agacement d’un soupir et d’une tête qui se tourne pour chercher la source des yeux – pourquoi la chercher des yeux alors qu’à l’oreille on voit très bien ? Il va falloir tendre l’oreille pour entendre la voix plus ténue à mon côté gauche, un flot continu qui s’adapte mal à la relative saturation que subit mon oreille droite. Il faut donc suivre des yeux la bouche du côté gauche pour convaincre l’esprit que c’est bien de cette source qu’il faut traiter le son. Et pourtant des bribes de mots constituent les éléments d’une enquête parallèle menée depuis l’oreille droite jusqu’à une partie du cerveau traitant de l’autre conversation menée ailleurs dans le train et ne s’adressant pas du tout à moi. On en déduit très vite que la dame est prof. Avec une voix pareille qui perce les murs, évidemment.