Sa voix tinte à travers le soir. Seule sur la terrasse Augustine s’adresse aux ombres du jardin, à tous ceux qui sont partis et ne l’entendent plus. Au rythme de ses mots, ses mains dansent sur les accoudoirs de la chaise. Comme une traduction en musique pour la nature endormie. Elle a un instant oublié la présence de Camille qui s’agite dans la cuisine. Porcelaine et argenterie s’entrechoquent dans l’évier. Elle avait sorti la vaisselle bleu de son mariage pour le diner. L’eau s’écoule, paresseuse, en un filet ténu. Lorsqu’Augustine rejoint Camille on perçoit la paresse de ses pas sur le carrelage. Elle est froissement de gestes contre la porte qu’elle ouvre en grand pour laisser entrer la fraîcheur du soir, sur la toile cirée dont elle ôte du plat de la main des miettes de pain oubliées. Des mots d’une lenteur fragile, à peine éraillés par l’âge montent du fond de la gorge que l’on entend à peine. Ils se font fragiles pour ne pas effrayer Camille. La jeune fille a tourné le regard vers elle alors elle les répète d’une voix plus assurée.