Même si je le voulais, je ne pourrais. Je ne trouve pas ma voix, je l’entends par instants comme ombre dans mes poumons. Je l’entends dans mes oreilles, arrêtée. Ce n’est pas une voix intérieure, je ne me parle pas. Je m’apprête à vous parler, j’entends ma voix s’arrêter à un endroit. Même si le voulais, je ne pourrai vous répondre. Vous parlez à côté comme en présence d’un enfant, oubliant qu’il entend et comprend comme il peut. Vous parlez comme si je n’étais pas avec vous, et vous autour de mon lit. Je fais claquer mes dents pour m’entendre me taire, pour m’entendre vous écouter. Je bouge la langue, ne pas perdre l’attention. Souvent je vous égare, vos voix se superposent ; je vous écoute ne pas vous écouter, je vous écoute pour démêler vos voix, vous reconnaître. Je ne cherche plus à comprendre. Vos conversations comme fils tendus vers vos prénoms. Enfants, petits enfants. Qui a ces intonations irrégulières ; quel timbre traverse à peine, échappe éphémère ; quel souffle m’étreint à chaque levée. Je vous cherche ; comme aveugle tâtonne, je touche vos voix. Vous attendez la mienne, je vous entends attendre mes réponses éraillées, ma voix apnée et craquements. Si je me racle la gorge, vous vous arrêtez dans l’attente de quelle phrase. Sourire serait ma nouvelle voix ; vous êtes rassurés, je sais encore sourire.