un hoquet de pleurs, c’est l’Une ; le clac de l’interrupteur, le noir ; dans la chambre le plancher craque un peu, de chaque côté du lit le matelas couine ; l’Autre tapote son oreiller ; par la fenêtre ouverte le vent, le volet entrouvert glisse sur la ferraille, dérape, l’Une se lève et le referme ; l’Autre voudrait éclairer la lampe de chevet, mais un marmonnement pour dire non ; l’Une retourne à sa place, le chuintement du matelas encore, dans les draps le frottement de ses pieds sur les draps, de tout son corps qui s’allonge et sa voix dans le noir, rayée par la tristesse pour dire à l’Autre qu’elle peut incliner son matelas comme il aimait le faire ; des pleurs puis des sanglots, les chuchotements de l’Autre pour rassurer, en vain ; en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien ; la manette claque et le matelas se relève d’un coup, un rire, un deuxième rire triste, les tremblements de la voix triste, la peur larmoyante de dormir seule bientôt, désormais, toujours, les pleurs comme un son continument doux, un vagissement retenu ; le retournement de l’Autre de son côté du lit pour prendre l’Une dans ses bras, lui caresser les cheveux, et c’est un bruissement soyeux qui apaise la main, le souffle, le sommeil à venir.
en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien
et pourtant tout ces balbutiements d’intimité partagée bien sûr que ce n’est pas rien, lu vu entendu approché sur la pointe des pieds à souffle retenu
un grand merci, vraiment, Jacques.
Pour une fois, lu quelques textes avant de me lancer. Alors, éclairé, bien entendu, l’Une et l’Autre, merci pour cet élan. JM
Tant mieux pour l’élan, merci de votre lecture, Jean-Marie !
« rayée par la tristesse pour dire à l’Autre » c’est beau. Et puis ce texte tout en nuances pour dire l’angoisse du malade, peut-être de la fin de vie qui approche ; les corps diminués… emporté par cette douce amertume sonore. Merci Marlen !
Et quel beau titre ce « Ceux du chagrin » !
🙏🏼
Sincèrement, Camille, très touchée par vos commentaires !
Quel beau texte, intime et délicat. Merci.
À vous, merci, Danièle…
« ; en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien ; la »beaucoup d émotion à lire . Merci Marlen
Très touchée par ce texte sensible, délicat.
et je voudrais à la fin que le soleil vienne…
Je pense qu’il vient, juste besoin de temps ! Merci à toi !
Merci Isabelle et Nathalie !
Comme ce l’Une et ce l’Autre sont touchants et donnent plein d’émotion. Merci Marlen.