Je me suis allongée sur la plage de galets, peu de monde encore à cette heure. J’ai fermé les yeux. J’ai prêté l’oreille aux bruits. Curieusement, je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu le bruit de l’eau, pourtant toute proche. C’est plus tard que je distinguerais nettement le roulis des vagues. D’abord, au loin et comme en stéréo, un mélange flou de sons, de timbres, de fréquences, sans pouvoir vraiment en distinguer l’origine. Il a fallu que je règle mon ouïe, comme je réglais autrefois manuellement la bague de mise au point de mon appareil photo pour obtenir plus de netteté. Les yeux fermés, comment différencier à coup sûr le cri des mouettes, la raillerie des goélands ou les piailleries des enfants ? Les bruits se sont rapprochés. Derrière moi, tout près, un scratch sec, bref et répétitif s’est agrippé à mes oreilles. Une voix de femme. Le bruit a cessé. Percussion de multiples pieds nus sur les galets. Dessous les galets, le sable crisse. C’est assez désagréable comme sensation auditive. Des gens se sont installés sur ma droite, tout près. Zip d’une fermeture éclair, froissement de tissus, clic-clac de l’ouverture de la glacière, éclats de rire, paroles au vent, entrechoc des galets, pom pom des balles rebondissantes d’une raquette à l’autre, cris stridents, verbe haut d’une femme autoritaire, bourdonnement soudain au dessus des têtes, bruit de moteur au large, battement d’ailes du cerf-volant, on y croirait presque. Le ciel s’est mis à gronder. La percussion des pas sur les galets est devenue inquiétante. Comme un bruit de paires de bottes en ordre serré, à la cadence sourde et régulière ; je n’entends plus que la marche au pas d’une armée de gens ; les galets sont des pavés ; les bottes claquent.