16 juillet carnet journalier été 2024/odeurs et plus encore
Jour de marché
7H00/odeur des draps encore chauds/ se lever tôt si on veut des haricots/odeur de la nuit envolée dans la maison qui dort encore/trois gouttes de romarin dans le creux des mains/ selle du vélo mouillée sous la rosée/odeur de l’enfance trois roues puis deux/odeur des parents derrière, puis disparus
Etal de J. : « rien ne pousse » , blessure au genou, mélange étrange d’odeurs de baume du tigre et de basilic citronné. Deux cageots de tomates/ du rouge, très rouge, près du nez, très parfumées.
Etal de C. : du pain encore chaud et parfumé, d’une odeur d’amour du métier. Portrait à faire plus tard de C./odeur du bois à couper/four à chauffer odeur des braises /odeur âcre du levain/pétrissage façonnage mains collantes, sueur au front/odeur et bruit du pain cuit/ épeautre/sarrazin/blé ancien/odeur des champs l’été et des roulades– portrait à faire ou pas de la boulangerie du passé, plus tard, remuer ou pas les odeurs de la nostalgie
Longue file d’attente pour le poisson du jour/odeur de parfums chimiques sur vêtements froissés,/visages endormis / arrivée de la femme du pécheur, cheveux ébouriffés, fortes odeurs de la marée, soles, rougets, un homard, regards inquiets des derniers de la file – « c’est quoi sur l’étiquette ? « le nom en latin du poisson, on a eu un contrôle c’est obligatoire » les faiseurs de règlement seraient-ils devenus des poètes ? Odeur des libertés entravées
Portrait à faire de M. marin pêcheur/14 ans/odeur de l’école oubliée/odeurs froides et humides des bateaux pleine mer /dans la cale à casser de la glace/fracture ouverte/odeur du sang qui sèche/refus de l’armateur de rentrer au port/finir de remplir les filets/odeur de l’argent, odeur des luttes de classes, odeur de la résignation.
Etal de M.: retenir les noms poétiques de ses tomates, joyeusement colorées/odeur de l’ail encore frais façonné en tresse/courge de Nice (c’est loin)/senteurs enivrantes des fines herbes/fière allure des blettes géantes
Etal de S.: fils de maraicher, écolier, pas réveillé, compter la monnaie c’est compliqué, odeur de l’insouciance pour l’argent, effluves des deux bouquets de fleurs, vite étalés, vite achetés.
En sortant, odeur des croissants beurre de la grande boulangerie d’à côté/En passant devant la pharmacie, odeur de camphre et de désinfectant, odeur de l’urgence, de la santé perdue à retrouver, des pleurs d’enfant tombé de vélo, de pansements de mercure au chrome,/à la librairie présentoir impossible à contourner odeur nauséabonde des nouvelles sur les unes des journaux
Face océan. Senteurs d’embruns, d’algues, de marée montante. Parfum d’immensité. Un homme promène son chien. Un gros nuage au dessus de nos têtes. « on n’aura pas d’été ». Odeur de chien mouillé, content. Respire !
Merci pour ce texte rafraîchissant. C est tellement vrai , les odeurs de marché sont vraiment particulières. Puis il y a les odeurs des choses et des hommes . L odeur d un monde à sentir et à ressentir…
Oui, merci! j’ai eu l’appel des odeurs du marché!
On suit cette déambulation entre les étals, les narines aux aguets… Merci pour ce voyage !
c’est bien les effluves temporelles, du présent au passé et tout ce qui s’annonce à venir, comme les odeurs suivent et précèdent l’orage…
J’ai bien aimé cette déambulation d’un étal à l’autre, ces envies de portraiturer les uns et les autres, ce défilé d’odeurs bien concrètes, et puis ce parti pris de terminer les § avec une odeur « abstraite ». Merci, Eve !
Agréable lecture matinale, chouette approche du thème
il y a tant d’odeurs que j’ai du mal à les saisir toutes et que j’en suis presque étourdie
alors me laisser embarquer dans ton tour de marché et envisager les étals les uns après les autres comme une ballade avec toi
chouette approche, oui ! salut Eve !
« on n’aura pas d’été » mais on aura tes odeurs qui nous emportent avec elles et puis ce tour de marché avec les étals… Belle errance (et promesses) avec toi dans l’atelier et ravi de découvrir tes mots Eve !
Belles odeurs de marché et jolie balade dans un monde qui peut aussi se cacher. Merci Eve.
Ça donne faim mais pas seulement, ça sonne juste aussi tous ces portraits, mon préféré c’est l’écolier pas réveillé.