#anthologie #25 | un souvenir olfactivement pur

L’odeur du sentier d’Avon

La forêt de Fontainebleau m’inspire un sentiment assez proche me semble-t-il du sentiment amoureux mais faut voir que je manque de comparaison. Je l’associe à la vue des fougères, des blocs de grès et des pins mais aussi à l’odeur du sentier du rocher d’Avon. C’est  une odeur sèche et ronde. C’est celle de la paille finement moulue et confite, c’est celle métallique du sang tombé dans la cendre ; c’est celle melliflue de la résine durcie au soleil, c’est celle poudrée de la craie blanche.

Quelle serait de l’odeur de l’intimité qu’on a avec soi-même marchant au hasard dans les bois, confiante qu’on finira bien par arriver quelque part ?

L’odeur disparue

L’odeur disparue est associée à un dessin à la sanguine de Leonor Fini qui était accrochée au-dessus du buffet du salon de l’appartement de Boulogne. Cette lithographie représentait un visage féminin aux contours vaporeux, sa chevelure était bouclée, à peine esquissée et noyée de brume. Cette gravure avait un cadre en plastique transparent, au toucher gras, presque mou. Avec le temps, le plastique avait légèrement jauni, teinté par la nicotine des cigarettes que mes parents fumaient à la chaine. L’odeur disparue est celle de la réglisse fumée, de la sauce soja goudronné. Je ne l’associe à aucune émotion, à aucun souvenir personnel (si ce n’est l’artefact de la femme au visage noyé).

Je n’ai jamais rien senti de pareil. Ni avant, ni après. Je ne sais pas pourquoi je me souviens de cette odeur. L’odeur disparue ne s’est pas évanouie mais son  fixateur, ici le cadre de plastique gras du tableau, s’est perdu. Que vaudrait un souvenir olfactivement pur, dissocié de toute émotion, sensation ou image ?

L’odeur de l’oreiller

Il sent le suint léger des cheveux, les suées de la nuit (sueur froide ou bouffée de chaleur, c’est selon), un zeste d’eau de Cologne (agrumes, néroli ou osmanthus, c’est selon,) et de peau tiède et savonnée, un pointe lavande jetée négligemment sur le lit quand je change les draps.

Est-ce qu’il y a dans cette odeur quelque chose qui serait une signature de ma présence endormie, des songes qui me traversent, de ce que lit ou j’écoute, des sensations de plaisir ou de douleur ?

A propos de Geneviève Flaven

Je suis née à Paris en 1969. En 2001 à Nice, j’ai fondé une agence de conseil en design puis suis partie à Shanghai pour développer mes activités. Le départ en Chine m’a mené vers l’écriture et la publication. Depuis mon retour en France en 2019, je me consacre à la création et à l’animation de projets collaboratifs de théâtre documentaire en France et dans le monde. Théâtre : The 99 project (http://www.the99project.net/ ) Blog de mes années chinoises : Shanghai confidential (https://shanghaiconfidential.wordpress.com/)

2 commentaires à propos de “#anthologie #25 | un souvenir olfactivement pur”

  1. … Merci beaucoup pour ce texte toute en subtilité, en finesse de ce qui est dit et l’invitation à lire entre les lignes.
    Et… curieuse je suis allée sur le site 99project.net…. passionant! je vais prendre le temps de regarder de plus près… passionnant oui!
    merci.