#anthologie #25 | si rares si fortes

Pas moyen de les retenir, de les provoquer, et manquant de mots plus que pour tout le reste.

Elle dit : ne met pas de parfum. Elle dit j’aime ton odeur. Elle ferme les yeux, son nez me parcours sans toucher ma peau. Elles m’ont toutes parlé de mon odeur, et jamais je n’ai senti la leur.

Je sens ce que les peaux donnent de sueur, de saleté, de désir, du sang, des fumées. Les masques ne se lèvent pas pour moi.

Rare moment de conscience de soi, de réflexion : sentir que l’on pue.

L’odeur des lendemains de beuverie : celle de l’alcool piétinée sur le carrelage, et les souvenirs de la veille émergeant, parcellaires. Souvenir de la jeunesse.

Par hasard, ce parfum inhabituel, le sien. Je pense chaque fois à elle que j’ai seulement frôlée : c’était son parfum. C’était peut-être son parfum que je désirais, et je me cachais à moi-même mon désir.

L’odeur de la voiture neuve. Il faudra qu’elle s’estompe et une première éraflure, un premier accrochage pour en être effectivement propriétaire.

Je pense à la neige, m’imaginant qu’elle étouffe les odeurs comme elle atténue les sons. Il me semble qu’elle prend sur elle les molécules odorantes de l’air qu’elle traverse.

L’odeur de brûlé dans les rues, et seulement ensuite après avoir cherché du regard, voir les flammes au loin dans la vallée, déjà là depuis des heures.

Une des premières choses faites avec un livre, écarter largement les pages, approcher le visage, fermer les yeux et sentir. La fascination engendrée par l’odeur souvent décevait à la lecture du livre. C’était la colle, les colorants, les traitements pour fabriquer du mauvais papier. La fascination a disparu, reste l’obsession de lire.

Les affaires consignées à l’hôpital dans deux sacs poubelles, les papiers encore après dans un carton, enveloppé de plastique pour que l’odeur de la folie n’envahisse pas la chambre.

Tant de portions de temps ou d’espace convoqués à l’esprit ou surgissant à l’improviste n’ont ni parfum ni odeurs.

Et pourtant, j’ai noté ceci l’autre soir, je l’avais déjà oublié : c’est le soir d’été par l’odeur : peut-être la lourdeur de l’air, un parfum peut-être que je ne sais pas décrire directement par des mots mais par analogie : forme, mouvement, consistance.

Une joie du langage : la découverte du mot pétrichor.

A propos de Tristan Mat

Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. A la main. Site http://www.tristanmat.net/ Profil Facebook: https://www.facebook.com/tristan.mat.735

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