#anthologie # 25 | pot-pourri

Rarement :  quand les feuilles tombent et que leur décomposition engendre l’humus, certaines fois, en forêt, peut-être aux parages des chênes, un parfum exquis. Il suspend tout le reste. Quand je te l’ai dit, tu as répondu : tu rêves tellement. Et un jour, dans les bois humides, tu t’es arrêté net : c’est vrai, je viens de le sentir

odeur de sainteté : quelque part, la même chose. Une recherche, peu de clés

odeur du satyre puant, phallus impudicus : encore dans la forêt. Puanteur on s’en souvient

haleine de l’estran, quand la mer s’est retirée

café torréfié derrière le boulevard Jamin : comme tristesse et amour broyés dans la même rue

terre des Granges, avant d’être étouffée par le béton des projets  pharaoniques

Au sortir du jardin des plantes, vers l’université, boutique du Thé bleu. Ouverte il y a longtemps. On entre pour voir, parce que le Japon. Mon troisième et moi, en un regard : c’est le parfum de l’atelier. Reconnaissable à l’instant. Indescriptible alliage d’encens, de tissu, de papier, de froissements, de musique, de silence.  L’amie qui n’a pas connu l’atelier, dit : quoi de particulier, je ne vois pas

pois de senteur du plateau , dépassent l’entendement et la destruction

granit au soleil, puis le corps contre lui,  qui absorbe et réverbère

indéfinissable

sa peau, avec mélange eau sauvage, tabac de miel, papier, encens, travail

savon et bouquet de lavande donnés par le poète

depuis le récit d’Ida dans le camp-même : l’odeur des oignons grillés, une torture délibérée émanant des kapos qui se délectent de la souffrance des affamés. Comment se défaire de l’image quand on cuisine 

soupe de légumes : l’odeur qui nourrit déjà sur le trottoir de la ville dure

déchetterie odeur énorme avec corneilles noires pour ponctuer

ce qui brûle

chèvrefeuille : de mai à décembre parfois quand il peut fleurir à l’abri. Dans les haies au sortir de la Turballe. Derrière le Renouveau. Dans une venelle de Montmorency. Dans le jardin, secret ou pas, livré à lui-même. Dans la chambre. Là où je serai déposée, à la fin.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

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