Rarement : quand les feuilles tombent et que leur décomposition engendre l’humus, certaines fois, en forêt, peut-être aux parages des chênes, un parfum exquis. Il suspend tout le reste. Quand je te l’ai dit, tu as répondu : tu rêves tellement. Et un jour, dans les bois humides, tu t’es arrêté net : c’est vrai, je viens de le sentir
odeur de sainteté : quelque part, la même chose. Une recherche, peu de clés
odeur du satyre puant, phallus impudicus : encore dans la forêt. Puanteur on s’en souvient
haleine de l’estran, quand la mer s’est retirée
café torréfié derrière le boulevard Jamin : comme tristesse et amour broyés dans la même rue
terre des Granges, avant d’être étouffée par le béton des projets pharaoniques
Au sortir du jardin des plantes, vers l’université, boutique du Thé bleu. Ouverte il y a longtemps. On entre pour voir, parce que le Japon. Mon troisième et moi, en un regard : c’est le parfum de l’atelier. Reconnaissable à l’instant. Indescriptible alliage d’encens, de tissu, de papier, de froissements, de musique, de silence. L’amie qui n’a pas connu l’atelier, dit : quoi de particulier, je ne vois pas
pois de senteur du plateau , dépassent l’entendement et la destruction
granit au soleil, puis le corps contre lui, qui absorbe et réverbère
indéfinissable
sa peau, avec mélange eau sauvage, tabac de miel, papier, encens, travail
savon et bouquet de lavande donnés par le poète
depuis le récit d’Ida dans le camp-même : l’odeur des oignons grillés, une torture délibérée émanant des kapos qui se délectent de la souffrance des affamés. Comment se défaire de l’image quand on cuisine
soupe de légumes : l’odeur qui nourrit déjà sur le trottoir de la ville dure
déchetterie odeur énorme avec corneilles noires pour ponctuer
ce qui brûle
chèvrefeuille : de mai à décembre parfois quand il peut fleurir à l’abri. Dans les haies au sortir de la Turballe. Derrière le Renouveau. Dans une venelle de Montmorency. Dans le jardin, secret ou pas, livré à lui-même. Dans la chambre. Là où je serai déposée, à la fin.
On se laisse embarquer dans ce flot d’odeurs parfois réduites à un mot, trois mots, et l’on sent ce qui s’écrit.