#anthologie #25 l L’odeur de la mélancolie

Je crois que la maladie revient quand je sens une odeur métallique. Je l’ai associée récemment au sang. Je ne saigne pas pourtant. Et puis j’ai pensé que ce n’était pas moi. C’était l’odeur de la ville. J’ai pensé aux cendres et cette image s’est imposée. Ce n’était pas mon estomac ou mes intestins qui fermentaient une odeur pesante et ferreuse. C’était la ville et la fumée de ses déchets qui remplissaient par moments mes narines. J’ai pensé : « si l’enfer a une odeur, c’est celle-là ».

Quand j’étais enfant, je refusais de manger de la papaye à cause de son odeur de pourriture. À l’occasion d’une mission j’ai logé pendant quatre jours au Half Moon Hôtel à Montego Bay. Le petit déjeuner était servi à volonté sur des tables recouvertes de nappes blanches dans un grand carbet non loin de la mer. La papaye servie en petits cubes n’avait plus l’odeur qui me révulsait. J’ai mangé sans savoir et puis j’ai su.

Je serais sans doute rassasiée rien qu’à humer le nanan de coco. Je préfère racler à même la noix de coco avec une cuillère coupée de sa coque verte épaisse d’un coup de sabre.

Le vent le soir amenait l’odeur des belles de nuit. Peut-être que c’est ce qu’il me manque pour ne pas sombrer dans la mélancolie quand le soleil se couche. Une odeur comme une présence pour habiller ma solitude.

Je sais qu’il ne reviendra pas. L’idée que je n’aurais plus à sentir son odeur d’huile mélangée au citron et à l’ail me consolait. J’avais seule maintenant le choix des odeurs de ma maison. Je nettoyais tout à l’huile de bois d’inde pour effacer jusqu’à son souvenir.

Ce matin j’ai choisi citronnelle, menthe, romarin et basilic. Les herbes fraîchement cueillies distillent leur parfum quand je les lave à l’eau froide. Les feuilles recouvertes d’eau chaude, leur vapeur me fait anticiper le goût. C’est facile le matin de se discipliner et de préparer une tisane. La nuit tombée le deuil devient lourd.

J’aime l’odeur de la terre mouillée. Si j’osais, je m’allongerais nue sur la terre mouillée pour être enveloppée et peut-être même disparaître.

A propos de Gilda Gonfier

Conteuse, paysanne, sauvage. Voir son site 365 oracles.

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