#anthologie #25 | fugitives

l’odeur des lieux de soin — vert bleu rose des blouses en papier tout juste sorties du plastique, blanc immaculé des murs — odeur d’anesthésie, de stérile, de rien, odeur de vide

snifer les vieux livres 

snifer le cuir chevelu d’un enfant — et fermer les yeux

l’image de l’odeur, ce serait un visage qui ferme les yeux — un air de paix, un sourire, une bouche entrouverte — les sourcils froncés, les traits fermés, la bouche serrée

odeur d’été; melon au frigidaire

les odeurs qui rafraichissent — concombre, gazpacho, menthe

odeur chaude salée collante des corps emmêlés, jusque dans la bouche 

parfums des amours anciens croisés dans la rue changent la couleur d’une journée

odeur d’été; bitume chaud rentre par la fenêtre, il est minuit

l’odeur surgit dans un aliment à peine croqué, qui n’a pas cette odeur

langue du chien laisse sur la peau sa bave collante

les cantines, odeur de conservation — les aliments, les plateaux, les machines réfrigérantes, les gens finissent par avoir la même odeur, compacte, lourde, de fausse nourriture déjà digérée

la mémoire des odeurs se mobilise, s’allume très faiblement, impressions fugitives, difficulté de tracer le souvenir, un autre est déjà là, envahit le précédent comme un bruit de cascade

bloc d’argile travaillé par les mains dégage une odeur de transformation, et je salive

odeur des rivières, minérale, vase en dessous, tranquille — vert doux et puissant de terre et d’eau 

odeur de la grand-mère, odeur de la mère, identiques au contact des mains sur le front

l’odeur de la mer entendue dans le cri des mouettes

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, le documentaire, la photo… Et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif À la Source) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).

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