Anthologie #25# Dégoût

Secouer les branches de l’arbre à plusieurs, ramasser les mirabelles en se chamaillant, remplir jusqu’à rebord les paniers en osier, s’accroupir autour du tonneau, dénoyauter les fruits à la main, les trier, – attention les enfants, pas de fruits gâtés, hein, les écrabouiller et les enfoncer par poignée dans le trou de bonde, se battre ensuite pour savoir qui aura le droit de les écraser à l’intérieur du tonneau avec le bâton ; c’était pure effervescence ! je suis sûre aujourd’hui que mes narines d’enfant aimaient cette odeur déjà très légèrement grisante que je retrouverai plus tard, en plus fort, avec l’arrivée sur la table des groseilles généreusement arrosées de la mirabelle de l’an passé, et plus tard encore, avec le canard au parfum enivrant.

Renifler en cachette l’odeur des fruits fermentés.

J’adorais manger les escargots dans leur coquille sans comprendre aujourd’hui pourquoi l’odeur pestilentielle du bouillon brûlant dans lequel agonisaient les pauvres bestioles ne m’aura pas dégoûtée à vie de ce plat !  

Pourquoi plaisir et dégoût font-ils parfois la paire ?

La première fois que j’ai vraiment senti la mer (mais n’ était – ce pas plutôt l’odeur de la terre ? La terre que la mer avait largement découverte car la mer ce matin-là était basse, si lointaine que je ne l’entendais pas ), je marchais pieds nus dans la vase et je m’étonnais de me laisser si bien faire par l’odeur qui montait de la terre et me prenait, odeur à la fois fétide et humorale, oui, humorale.

La mère a-t-elle une odeur ?

A propos de Nicole Busquant

Un certain goût pour les traces.

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