Sous la couverture, ils dorment. La grand-mère les regarde un instant puis elle tourne la tête vers l’extérieur. Elle, elle ne doit pas dormir, pas quand ils dorment, eux. La couverture se soulève légèrement à chaque respiration, d’abord la fille puis les deux garçons, à l’unisson. On voit dépasser de temps en temps des membres épars, un bras, une jambe, une tête, membres si maigres que la grand-mère ne peut qu’abandonner son poste pour ajuster la couverture à ses corps qui sans elle prendraient froid, mais il faut retourner dehors surveiller les bêtes qui pourraient entrer. Hier, elle a été forcée de tirer sur un sanglier, qu’elle a manqué mais qui s’en est allé. Elle aurait préféré l’avoir. Il y a beaucoup à manger, dans un sanglier. Mais on a évité le pire, parce qu’elle sait, la grand-mère, que quand ça charge, un sanglier, on a beau être le plus costaud des hommes, on se fait piétiner, et s’il était entré dans la grotte, ces trois petits qui dorment ne seraient plus là aujourd’hui et la grand-mère serait partie. À quoi bon rester ? Aucun bruit suspect. Les enfants dorment. La couverture a des trous mais elle est épaisse là où les enfants sont mis. Il n’y a rien à craindre. Il y a assez de place pour trois. Pour quatre, c’était plus serré, mais ils ne sont plus que trois et elle compte bien que ça dure, ces trois enfants sous cette couverture. Un de plus à enterrer, elle ne pourrait pas. Les oiseaux commencent à chanter. Le jour approche. Les petits vont bientôt s’agiter, s’étendre, relever la tête, la fille en premier, toujours, puis les deux autres, en même temps.
C’est beau ce mélange de douceur et de calme (dans la description du sommeil des enfants) et de danger dans tout ce qui a pu ou pourrait arriver
Au début, j’ai cru que c’était une scène de « La Nuit du chasseur » de Laughton.