Le premier, les pieds dans les glaïeuls, dort : celui du val est mort. Mon second est une phrase, « To die, to sleep ; to sleep, perchance to dream. », si tu rêvais encore de quels fils seraient tissés tes songes. Vient la somnambule, blanche dans sa robe de nuit et le rouge à sa main : Lady pleine de crimes. Aveux de somnambules. Peur de s’être trahi en dormant. Traces involontaires. Dans le sommeil de ses contes la belle a cent ans mais ça ne se voit pas; la princesse au petit pois ne dort pas, Boucle d’or laisse trace. Je me souviens avoir dormi clandestinement dans un hôtel du cinquième arrondissement de Paris, il m’avait ouvert une chambre au troisième sous les toits, j’ai dormi sur le drap en manteau, à chaque bruit je je me dressai dans le noir : sommeil de bêtes aux abois. Quand j’ai vu Le lit défait de Delacroix, j’ai pensé que c’était le portrait en creux d’un dormeur. Dans la Résurrection du Christ Piero della Francesca se peint lui même, en habit de soldat, autoportrait en dormeur parmi les gardes endormis, tête penchée paupières closes, mirage de la peinture: tu t’es vu quand tu dors. Chimère : lui dormant devant le Christ ressuscité. Être réveillé de sa mort : Lazare lève toi. Être revenu d’entre les morts : chaque fois qu’il allait tomber malade, son sommeil l’alertait du danger, rêves récurrents de retourner dans le camp. Enfant si un cauchemar ou la fièvre les réveillait ils appelaient leur père : sommeil de plume du père contre sommeil de plomb de la mère, alors, le père réveillait la mère pour qu’elle se lève : c’était d’une autre époque . « Vos paupières sont lourdes, lourdes, lourdes, Dormez je le veux » des baraques foraines du boulevard et le corps se lève à l’horizontale : voyez comme elle dort dit l’homme dans son habit lumière, d’un claquement de doigts il réveille les paupières et le corps tombe. Combien de nuits t’ai-je regardé dormir? ( J’ai étranglé Mon frère Parce qu’il n’aimait pas dormir La fenêtre ouverte Ma sœur A-t-il dit avant de mourir J’ai passé des nuits pleines À te regarder dormir Penché sur ton éclat dans la vitre – René Char ) Chambres de plaisir où ils venaient les regarder dormir, belles endormies plongées dans un sommeil de pierre. Lui, dès que la lumière baissait il s’endormait; dans le noir de la salle sa tête plonge : si tu ronfles je te tue. Souvent il dormait au théâtre il disait qu’il voyait les spectacles comme en songe, après il écrivait un article, il était critique de théâtre pour un journal. Combien de livres lus en rêvant? Combien dormant. Hier je suis tombée du lit, je rêvais que je volais. Non ce n’est pas de la narcolepsie juste un peu de fatigue. Lorsqu’un patient atteint de narcolepsie s’endort, il fait l’expérience d’un sommeil paradoxal, après une dizaine de minutes: elle raconte son rêve, elle est couchée et elle se voit dormir, elle se penche sur elle pour se réveiller mais elle ne peut pas se sortir de son sommeil : sommeil du rêve ou se voyant dormir elle rêve qu’elle se voit dormir. On sait à présent qu’elle ne voulait pas dormir parce que le sommeil c’est la mort : dans le champ sous le corps des autres elle avait appris à faire la morte, pas à dormir. Pourquoi broies tu tes dents dans ton sommeil? Jeanne non plus ne veut pas dormir, plus jamais dit Jeanne, depuis que l’oncle est venu dormir à la maison. Et tu as l’air si calme dans ton sommeil comme l’eau qui dort ; le bourreau et la victime qu’on-t-il en commun quand ils dorment. Regarde elle te sourit aux anges. Je me souviens du poids de son corps minuscule sur ma poitrine et de son souffle et de l’odeur de son sommeil; je me souviens t’avoir regardé dormir scrutant ton souffle ; il se souvient il n’a pas pu le faire que dans son sommeil ce n’était pas possible, alors il l’a réveillé et après il l’a tué; « Loth, en se réveillant n’avait rien vu, ni su »; dans La marquise d’O. évanouie elle est violée : sommeil, évanouissement, coma, état sans conscience. Combien de jours à te regarder dormir dans ton sommeil artificiel : gisant de chair suspendu aux machines. Je me souviens que la pluie m’avait réveillée la première, nous dormions sous les arbres ; je me souviens avoir dormi sous ton corps et la peur de te réveiller en libérant mon bras engourdi. Dans ton sommeil tu as dit : « plus jamais » et j’ai couru voir le ciel, un instant j’ai cru que les étoiles tombaient, ce n’était pas un rêve, les étoiles répandues dans la mer. Là, face contre terre c’est un corps sans visage, est-ce qu’il dort? Le mobilier urbain ne fait pas le lit des dormeurs : corps jetés au trottoir, mis sur le bas côté, laissés-pour-compte. Le dormeur du trottoir n’était pas encore mort lit on aux Faits Divers et encore : le croyant endormis ils l’avaient laissé au trottoir, la puanteur aurait pu réveiller un mort. Un enfant de dix huit mois peut dormir dans la rue, même deux. Face contre terre amalgamés au carton. Seuls. Amalgamés à plusieurs : dormeurs des trottoirs et des quais sans visages et sans noms.
2 commentaires à propos de “#anthologie #24 | prélude, notes”
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» Le mobilier urbain ne fait pas le lit des dormeurs : corps jetés au trottoir, mis sur le bas côté, laissés-pour-compte. »
merci Nathalie
Merci beaucoup Ugo . (Notes vrac un peu à côté du sujet avant de trouver une entrée dans un autre texte.)