#anthologie #25 | l’odeur des mots

Pour un lecteur, la première odeur des mots est celle du papier et de l’encre d’imprimerie. Pour un auditeur, c’est l’odeur du vent. Les mots qu’on reçoit portent l’odeur de la matière qui les transporte.

Lorsqu’on crée un mot, son odeur est toute différente. Elle vient de plus loin, elle apparaît avec la suite des lettres ou des syllabes pour se mélanger avec les autres odeurs. Celles des autres mots qui composent la phrase, le chapitre, l’histoire ou le discours.

Il y a des mots qui ont des odeurs évidentes, comme ceux qui mettent en lumière une odeur particulière. Le jasmin, la choucroute, le pétrichor. Il existe des mots qu’il faut assembler pour faire naître une odeur, le gaz d’échappement, le plastique brûlé, l’humus humide d’une forêt de chênes en automne à cinq heures du matin. Tous ces mots ont une odeur qui appartient à ce qu’ils désignent. Ces mots-là ont une odeur évidente. Trop évidente.

Au-delà du sens, les mots ont une couleur, une consistance, un poids. Une odeur aussi. La mort pèse lourd, le ciel est bleu. Il existe bien évidemment des morts légères et des ciels verts, mais sans qualificatifs apportant une précision originale, la mort pèse lourd et le ciel est bleu. Le mot sent aussi. Mon enfance sent le coco boer, le cuir du cartable, le jus de raisin. Un été peut sentir la crème solaire, l’iode et l’anis ou alors la graisse de chaîne à vélo, la transpiration et la barre de céréales. Les mots ont parfois l’odeur de ce qu’ils évoquent en chacun de nous. Et puis, il y a les autres.

Quelle est l’odeur du mot olibrius ? Qu’en est-il de la circonvolution ? Si marcher sent des pieds et si se laver sent le savon, que sentent les verbes penser, être, devenir ?

Quel est l’organe qui permet de sentir l’odeur des mots ?

Quels sont les mots qui désignent l’odeur des mots ?

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

2 commentaires à propos de “#anthologie #25 | l’odeur des mots”

  1. J’aime les questions qui arrivent après les évidences. Mais aussi les évidences: l’humus humide d’une forêt de chênes…ça j’aime vraiment beaucoup. Merci pour ce cheminement

  2. j’aurais donc le jasmin et l’anis en commun avec toi, même si c’est une évidence…
    et puis « il y a les autres »…
    salut JLuc