Ils dormaient — et pour une fois ils n’étaient pas simplement allongés écrasés au sol voulant l’épouser ne le pouvant mais ayant sombré en lui tout de même désireux de se perdre mais avec un rien de tension dans l’épaule ou le cerveau prêt à la défense, ils dormaient vraiment. Ils n’étaient plus là ou le monde n’était plus là pour eux. Elle s’était réveillée alertée par un rien un rayon de lumière sur le visage un doute dans ce que signifiaient les dernières heures elle les regardait elle touchait la peau de sa face la caressait voulait sentir ce même relâchement qui était leur qui n’effaçait pas leurs traits leurs rides ou même ce qu’ils avaient de beauté mais leur rendait leur intégrité leur essence leur nudité leur âge sans que la pensée ou les sentiments viennent les éclairer ou les tordre leur donner leur identité. Ils étaient comme des étrangers comme des anonymes. Elle les jalousa. Elle ne comprenait pas ce qui s’était réveillé en elle de l’inquiétude à laquelle ils avaient tous et elle parmi eux tourné le dos à l’orée de cette nuit, à la fin de ce jour de soulagement et d’accomplissement. Elle repoussa le gout aigre d’un mépris fugitif devant la facilité inconsciente de cet abandon soudain. Et puis elle les regarda mieux, elle vit le rictus d’une bouche ouverte, la crispation figée d’un pied, un poing à demi fermé comme stoppé en mouvement, une main posée sur des yeux et elle aurai voulu pouvoir effacer ce qui restait sur eux, presqu’imperceptible, des temps d’angoisse. Elle fit quelques pas allant de l’un à l’autre elle arriva au-dessus du plus jeune à la limite de leur espace, dos tourné aux autres, à demi recroquevillé, foetus figé dans un début de dépli, un bras tendu vers les arbres, elle se pencha sur lui, sur ses lèvres au sourire un peu tordu, encore retenu. Elle s’allongea un peu plus bas, une main posée sur un des pieds, elle ferma les yeux, elle puisa en lui le presque repos, elle les rejoignit. Un peu plus bas, au de là des arbres, tinta une sonnaille, le troupeau s’éveillait.
8 commentaires à propos de “#anthologie #24 | le groupe apaisé ”
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Scène d’une grande beauté, Elle, et les endormis… Et le titre !
Magnifique ! Merci Brigitte
merci à vous deux (décidémet vous m’ahurissez 🙂
On ne comprend pas toujours ce qui nous arrive dans la Vie en côtoyant les Autres… ( Et c’est parfois très bien…). Bien solidairement.
🙂
Quel beau texte. C’est fort !
Magnifique texte, Brigitte, merci !
Françoise, Perle MERCI