#anthologie #24 | je n’étais pas prête

Pourquoi ce soir je te regarde dormir ? Je me vois te regardant dormir… je m’entends me racontant des histoires, des histoires sur nous, parce que je te regarde dormir… tu ne peux pas me mentir… c’est moi qui sais ce que je vais te faire dire dans mes histoires que je me raconte tandis que je te regarde dormir… tu n’es pas aussi beau les yeux fermés… c’est ton regard qui t’illumine… quand je te regarde dormir je ne sens plus aucune emprise… quand je t’entends dormir je ne suis pas enchantée… et quand je te sens, pas trop non plus… quand tu es en train de dormir, que je te regarde, que je te regarde longuement, que je te vois, que je te bois, que je te cherche, que je cherche l’amour qu’il nous reste à partager, il n’y a que le sens du toucher qui m’apaise… parce que les autres, les autres sens, hormis celui du toucher, disent le vieillissement disent la maladie que tu supportes mal, que je supporte mal… disent la beauté envolée, disent la légèreté envolée, la vivacité, la souplesse envolées… si tu m’entendais tu sourirais… d’ailleurs tu souris… mais pour qui ? Pour quoi ? Derrière les paupières fermées à qui parles-tu ? Tu n’es pas aussi beau les yeux fermés… et si je te touche, comme j’en ai envie, je te réveillerai… et je verrai tes yeux… mais non, tu dors et je te regarde dormir… tu es loin… est-ce que je pourrais par la force de mon regard pénétrer dans tes rêves ? Juste pour te taquiner… quelle horreur ! Je te laisse tes rêves et tu me laisses les miens… mon regard n’est pas un regard perçant, juste une caresse… je te regarde dormir avec mon regard comme une caresse et je pense en te regardant dormir, je pense attends encore un peu, le temps que je sois prête, attends et réveille-toi encore et encore, je ne suis pas prête… tu comprends ? Je ne suis pas prête !

A propos de Claudine Dozoul

Se balade entre écriture et pratiques artistiques diverses. Animatrice depuis longtemps d'ateliers d'écriture.

2 commentaires à propos de “#anthologie #24 | je n’étais pas prête”

  1. Très beau texte tout en nuances ! Avec les points de suspensions qui évoquent Sarraute et cette phrase « tu n’es pas aussi beau les yeux fermés… c’est ton regard qui t’illumine… quand je te regarde dormir je ne sens plus aucune emprise… » qui rend aussi le passage inquiétant… Merci !