il avait fini par s’assoupir à même le foin | sur le dos | dans la grange où il l’avait attendue longtemps en vain | regardant s’enfuir le jour | les yeux dans la charpente | les bruits de la nuit murmurant à travers les planches disjointes | la lueur de la lune estompant les aspérités des murs grossièrement crépis | jetant sur son visage un fin rai de lumière qui courait sur sa chemise | se perdant dans les carreaux bleu pâle | sa joue gauche parcourue de tics nerveux | il rêve | ce ne sont que poursuites qui le laissent sans souffle | il s’agite | il grommelle | l’obscurité ne dit rien des traits qui se tordent | d’une souffrance qui affleure | plisse ses paupières • quand elle soulève le loquet de la lourde porte de bois, il dort et ne l’entend pas, son cauchemar se poursuit, sans doute • elle aperçoit le corps étendu | porte la main à sa bouche | craignant le pire | s’approche | la respiration heurtée la rassure | elle s’assied près de lui dans le foin piquant | l’observe dans la faible luminosité | ce corps abandonné, elle le connaît dans le sommeil | ce cœur battant qui sonnait à son oreille et l’obligeait à changer de position | l’odeur salée de sa peau après les travaux du jour | le fin trajet de poils souples du nombril au pubis | elle devine plus qu’elle ne le voit | les ailes du nez frémissant sous l’inspiration | le léger souffle s’échappant de sa bouche entrouverte aux commissures affaissées | un embryon de ronflement qui confirme la profondeur de son sommeil désormais | la glotte proéminente | immobile petit rocher de cartilage sous la peau tendue maintenant | l’agitation de ses doigts mus par un réflexe nerveux | elle voudrait le réveiller | lui dire combien elle regrette | penchée au-dessus de son torse elle dépose un baiser dans le triangle ouvert de la chemise | humant sa peau une dernière fois | se relève dans un froissement de robe | et s’enfuit de la grange
J’aime beaucoup ton texte, Marlen. Il est si plein de sensualité.
Les grands esprits… je viens juste de te lire ! merci, Emilie !
toute une histoire, là par-derrière…
et ce petit bout de phrase qui en dit long « lui dire combien elle regrette »
la scène pourrait bien être transposée — exactement la même — ailleurs, dans un autre lieu, mais ce mot « grange » nous interpelle et nous dessine à lui seul le contexte
sentiments contradictoires à lire entre cauchemar et douceur
Tu as bien lu, Françoise, il s’agit d’un fragment à insérer dans une fiction en cours. Volontairement énigmatique ! Merci de ton retour, merci !
J’aime beaucoup le mystère de cette grange, de ces deux personnages, de leur attente et de leur regret. Merci Marlen.
Merci à vous, Bernard, pour votre lecture qui a saisi l’essentiel de ce que je voulais écrire !
Ah superbe ce texte ponctué de ses traits verticaux qui coupe la fluidité et le mouvement de vos mots, bravo !
Clarence, merci. J’aime aussi cette manière de ponctuer qui pour moi découpe le texte en images/idées et me permet d’avancer dans l’écriture quand je ne sais jamais trop où je vais ! C’est François Bon qui a suggéré cette ponctuation dans l’une de ses nombreuses propositions !
J’aime beaucoup ce texte, il est très cinématographique
Merci, Virginie, je l’ai pensé ainsi sans doute… la force des traits verticaux !
Il faut savoir partir… comme ils ont dû s’aimer . J’imagine . C’est très intense . Merci Marlen
et oui, ainsi disait le grand Blaise ! Merci à toi, Nathalie, fragment par fragment je poursuis une fiction commencée… il y a deux ans !