Sur les murets de pierre du cloître Sainte Trophime une femme et un homme dorment joue contre joue ; mais pas corps contre corps, la largeur du banc ne le permet pas. Ils dorment profondément. Exténué.es mais heureux. Le bonheur se lit sur leur visage. Exténué.es par la chaleur, le marathon des visites d’expos photos ou la nuit d’amour.
Face au soleil couchant, sur les quais du Rhône, un homme dort sur la partie de la digue descendant vers le fleuve. Tatoué sur le bras, bagues à chaque doigt, bracelets, les deux mains sur le torse, il n’a pas l’air serein. On lit une inquiétude sur son visage d’une blancheur inquiétante. L’espace d’un instant, je me suis même demandée, s’il était toujours en vie. Puis il a bougé pour mieux se rendormir.
Aux rencontres de la photographie d’Arles, rétrospective de la photographe Mary Ellen Mark photographe. On y croise quelques photographies de gens qui dorment.
Debbie retenue, quartier 81, hôpital d’état de l’Oregon – Elle dort Debbie, elle séjourne dans le quartier de sécurité pour femmes à l’hôpital d’Etat de l’Oregon, hôpital où a été tourné Vol au-dessus d’un nid de coucou de Kubrick. Debbie a les poignées sanglées, attachées à son lit. Ses mains tiennent les barreaux du lit. La tête en arrière. Même si ces yeux sont fermés, on sent la maladie, la douleur, on sent qu’elle est shootée par les médicaments et les traitements.
Banca, Ricky et Roberta – Robinsonville, Mississipi – 1990 – Avec ce projet Mary Ellen Mark documente la pauvreté rurale aux États-Unis. Elle se lit dans le sommeil de Ricky, la pauvreté, l’enfant dort allongé sur l’assise d’un fauteuil défoncé, les jambes sur l’accoudoir. Tout se perçoit dans son corps la pauvreté de la famille, la chaleur, le manque de sommeil. Ricky dort, dans la journée, où il peut. Ce matin-là c’est sur l’assise du fauteuil.
La famille Damm – série sur Crissy 6 ans, Jessica 4 ans, leur mère Linde 27 ans et leur beau-père, Dean 33ans. La famille vit, dort dans une voiture, ils n’ont pas de logement. Une association leur trouve une chambre de môtel pour deux nuits. Sur une photo, on voit dans le même lit, le père, la mère et un des deux enfants. Les parents dorment, l’enfant non. Aucun n’a un visage paisible, les traits sont tirés, on sent l’anxiété, le désespoir, la pauvreté, la fatigue de cette vie sans issue. Ils n’attendent plus rien. Ils savent que ce répit est de courte durée, bientôt ils vivront à nouveau dans leur voiture.
Sans doute il y aura une suite à cette énumération, d’autres photos, par exemple celle issue de l’Exposition Au saut du lit, même si les photos ne donnent trace que des corps qui ont dormi dans ces lits…
Bieke Depoorter – extrait du livre Mumkin sura – (Est-il possible de vous photographier ?)La photographe demande à des gens rencontrés dans la rue si elle peut passer une nuit chez eux pour les photographier. Comme pour ce projet en Égypte à partir du début de la révolution culturelle en 2011, elle y retourneen 2017. “ Elle leur demande en 2017 de commenter la maquette du livre. Le résultat prend la forme d’un dialogue entre des Égyptiens de diverses origines sociales, culturelles et religieuses. Les personnes annotent directement les photos, des remarques critiques, drôles ou personnelles. Des personnes qui n’auraient jamais autorisé une prise de vue font alors partie d’un livre.
quelle belle idée de t’appuyer sur ton séjour arlésien
touchée par ta description des photos, en particulier Debbie retenue, quartier 81…
Merci Françoise ! Oui je suis allée au plus efficace. je vais faire une pause de quelques jours, absorbée par les expos et un atelier d écriture de cinq jours. Mais ce sera pour mieux repartir dans les 40 jours à partir de samedi !