De cette rue dont je parle plus haut en la nommant « ma rue » et en la remplissant des attributs de toutes mes rues comme on fourre ses affaires dans un sac, et ses vêtements, et les bricoles les plus intimes ou les plus nécessaires parce qu’on doit partir vite ou loin, je n’ai vécu que la surface, tant la métaphore du radeau s’y rattache, avec celle du glissement. Ma rue était un long glissement, une plaque flottante à la dérive qui ignore son mouvement, une rue tenue et maintenue en une plaque flottante qui ignore sa dérive, posée comme se pose la brume sans rien toucher, les carrefours croisés comme les doigts des mains inoccupées qu’on a placées sur ses genoux en attendant, et des bandes tressées de briques et de ciment comme en lévitation, morceaux de terre, portions d’herbes carrelées, les ouvertures des caves à quarante-cinq degrés et la pointe des toits fondue en angles droits pour cimes. J’imagine dessous, assiette sur assiette : un sas d’air, les filets de nuages à la traîne ; une mer d’huile, rouge, prise de sommeil ; et dessous, des coulées vertes de vallées où le profond reste dans l’ombre, des rondes en bordure de cratères de graviers secs et jaunes ; plus bas un marécage : sombre car, sans lumière, il n’est plus question de couleurs mais d’odeurs, odeurs en mouvement et aux corps souples d’animaux inconnus, leurs échines arrondies glissant à la surface et se mêlant aux herbes, noires et violettes, collées entre elles ; et plus bas, tout au centre, la coque d’un noyau d’abricot géant : une coque dure : sa texture de feutre fossile indépassable ; j’imagine qu’il y aurait symétrie sûrement ? marécage à nouveau, vallées, sommets, étendue liquide rougeoyante et ciel presque immobile, puis un autre exemplaire de ma rue, où tout serait inversé pour moi et opposé à moi, et pourtant identique, jusqu’à se croire unique à penser être seule.
je suis descendue et suis pleine de sensationset d’odeurs…
(ssaier
Que c’est beau ce qui émerge de cette rue et ce qui est immergé. Merci Christine.
Merci Elise ! (je ne sais pas si j’ai réussi à dire ce que je voyais dans ma tête, je n’ai peut-être pas su laisser aller, peut-être qu’il faut du temps pour aller de plus en plus bas)
zut… essaierai de venir vous lire presque tous (restons réalistes) en août
quant à toi (comme à PCH) repos… quoique donnes nous encore de belles choses quand tu le peux
Merci Brigitte ! (je me requinque doucement, le covid s’en va et je reviens héhé)