#anthologie #23 | nuage aux entrailles

Perchée sur mon nuage, j’ai regardé la ville de haut, j’ai frôlé les terrasses des immeubles et me suis décidée à me laisser tomber.
J’ai rebondis telle une balle d’étage en étage, parfois le corps pleins de bleus.

En bas, la machinerie de l’immeuble, son ventre, ses organes, ses pets de vapeur, ses bruits pétaradants, on aurait dit un ventre malade qu’on aurait ouvert puis recousu en y remettant ferraille, canalisations, VMC, tiroirs nauséabonds, serviettes éponges de sueur visqueuse flottant sur une eau croupie, oubliée depuis belle lurette.

Plus bas, des portes de vapeur de différentes couleurs ouvraient sur des espaces ordonnés des empilements de babioles inutiles, de parchemins, de chaises éventrées, de fauteuils à bascule, de bric-à-brac. Univers de bimbeloterie, frivolité, léger comme les portes elles-mêmes en voile, mousseline, coton, soie, polyester, bambou.

Encore plus bas, la rudesse des rencontres explosait dans des coulées de lave rougeoyante. De choc en choc les cerveaux craquaient, les globes oculaires se fissuraient, la verticalité des bancs de bois imprimaient une logique inversée comme un ciel à l’envers.

Au loin, l’océan roulait des monstres marins aux formes disparates mais si présentes que l’océan lui-même se transformait en monstre. Les écailles se durcissaient, la langue s’allongeait démesurément tout comme sa queue, il se faisait dragon aux couleurs vivaces ou sombres selon la température de la terre. La terre ouvrait ses entrailles, les vers l’aidaient dans cette besogne, le manteau de la croûte se craquelait sous l’effervescence du monde grouillant dans les labyrinthes.

Encore plus bas, tout n’était que magma bouillant. Le cœur de la terre brûlait.