#anthologie #23 I téléportation

Son appartement n’était pas bien grand mais il permettait d’accéder à tous les quartiers importants de la ville. L’entrée était étroite et sombre, un grand miroir en repoussait les limites. Une foule de portraits en noir et blanc de part et d’autre sur un mur parcouru de fissures. A gauche, une ouverture sur le vif du sujet. A droite un battant de bois peint qu’il poussait pour se rendre aux portes de la ville. Cela provoquait un bref mais fort éblouissement avant qu’il n’arrive sur le boulevard, au croisement avec la rue Murakami, rue qui était l’entrée la plus agréable sur la vieille ville                                                         De la cuisine en passant par le placard à balais il débouchait directement dans le quartier des restaurants. C’était un quartier aux rues piétonnes où se déclinaient toutes les cuisines du monde… cent quatre-vingt- dix-sept pays, cent quatre-vingt- dix-sept gargotes. On y prenait un bain d’odeurs et de couleurs. Un arrêté récent demandait de ne pas laisser les musiques déborder des restaurants et se déverser dans les rues.  Depuis le couloir, en entrant dans le tableau qui représentait une guinguette au bord de la Marne, il arrivait sur les rives du fleuve qui traversait la ville. Il y passait les fins d’après-midi en attente du coucher de soleil qui le ravissait. Quand il pleuvait il aimait la chorégraphie des gouttes bondissant sur la surface de l’eau.                                             Depuis le salon, en traversant la baie vitrée sans l’ouvrir il débouchait dans une sorte d’irish-pub très cosy, musique celtique et bière à gogo. Il préférait la Guinness. La première fois qu’il en avait bu, il avait fait rire le serveur qui lui avait expliqué que, chez lui, c’étaient les vieilles femmes qui buvaient des Guinness.                                         Depuis la salle de bain il pouvait rejoindre le hammam de la rue Louise Labbé. Ce n’est pas un éblouissement qui l’y transportait mais un nuage épais de vapeur. Il aimait se confronter à la nudité dans sa multitude. Il flânait entre les trois salles et s’attardait dans celle où une main de crin parcourait la surface des corps les dépouillant de leur crasse invisible. Il s’y rendait une fois par semaine                                                                Depuis la bibliothèque, en choisissant une plage dans le rayonnage, il se retrouvait dans un musée ou dans une galerie. La dernière fois qu’il a franchi la colonne dite des livres de la Pléiade, il est arrivé dans la salle des expositions de la Mairie dans laquelle se déclinait en peintures le thème Visiter votre ville

A propos de Claudine Dozoul

Se balade entre écriture et pratiques artistiques diverses. Animatrice depuis longtemps d'ateliers d'écriture.

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