Derrière la nuit il y aurait des hommes endormis tout le jour, arpentant les allées dès la nuit tombée, dessinant le chemin de leurs enjambées de géant à la recherche d’un trésor, carte en main, boussole sur la tête. Ils bruisseraient pour ne pas se faire entendre, passeraient d’arbre en arbre à la faveur de l’obscurité. Plus loin il y aurait un port émergeant du ruisseau, et des milliers de rameurs recouverts de lentilles d’eau, des grenouilles en partance, des flamands rose, une nuée de libellules, le va et vient du clapot et une clairière de joncs sauvages. Plus bas un pont de tôle ondulé puis un autre en bois fabriqué par deux planches clouées entre elles, laissant passer les rais de lumière jusqu’aux profondeurs de l’eau. On entendrait des cris, des injonctions, des coups de haches, le sifflement des scies dans le sous-bois, des jardiniers vêtus de vestes et de pantalons de coton épais, rassembleraient bûches et brindilles, les empilant en un tas nouveau près de bûches plus anciennes et sèches pour la flambée. Il faudrait s’enfoncer encore et compter un à un les chênes au nombre de cent, les fougères, les brins de paille, les cabanes où se camouflent les amants et enfants pas sages. Sous la terre, ensevelis dans des cavités creusés à la pelle, des boites et des bocaux, renfermeraient des amulettes, des testaments oubliés, des promesses et des déclarations, une bague volée, un collier de fausses perles, s’enfonçant avec le temps, les pluies et les averses, vers des terriers de taupes chassées par les hommes de la nuit.