Ce qu’avait été la piste avant son enrobage, avant sa couleur brique, j’y pensais souvent. J’ignore pourquoi. Le mystère de sa peau informe, granuleuse, couverte de pierres, de racines, de plantes, avant qu’elle soit remblayée, terrassée, lisse. Ce qu’il y a dessous m’a toujours fascinée. Sa vie souterraine, les lombrics, le grouillement qui la nourrit. Ce qui me porte dans la course, le souffle de sa terre loin dessous. Je me demande ce qui subsiste de cette vie-là. De terriers creusés de méandres, d’existences minuscules. Je rêve d’un réveil, d’une explosion, d’un soulèvement de terre, d’anfractuosités qui perceraient la piste, juste la sous mes pieds, glissant dans un puits sans fond, de nouaisons, de rhizomes, d’une descente de plusieurs mètres. Nomme-moi Alice, je chute. Ma course s’inverse, je deviens spéléologue. Je scrute chaque espace traversé, denses galeries, vasques d’eaux résiduelles, d’eaux perlant sur les murs terreux, de sources anciennes, sourdant sur les parois. Rien pour s’agripper alors je glisse encore plus loin, plus vite. C’est un véritable toboggan vivant, une bouche minérale qui m’aspire. Je tourbillonne. Et toujours j’esquisse ma course. Je n’esquive aucun palier. Je cours en rond, longue distance verticale. Je me demande jusqu’où je vais courir ainsi. Jusqu’au centre de la terre, jusqu’à son noyau. La course me consume.
C’est à ce moment là en général que je me réveille en sueur comme si j’avais couru un 5000 mètres avec dénivelé. Echevelée, hagarde. Toujours je peine à me rendormir, hésitant entre la peur et le souhait que ce rêve devienne réalité.
Une course effrénée qui tient en haleine. Entre cauchemar et rêve, on est comme le personnage à la fin, on a envie d’y regoûter ! Merci pour ce texte Perle
Ah oui, entre rêve et cauchemar il y a le « mauvais rêve » 😉
Merci Camille
tellement fort que je n’ai pas vu venir le … rêve ! plus qu’une chute, une traversée… merci Perle pour ton texte
Oui, flirter entre le réel et le non réel, cette zone en demi teinte où l’on ne sait trop si c’est l’un ou l’autre…
Merci Gracia