Lyon 1er juillet 2024
Du cinquième étage on domine le carrefour à l’intersection du troisième et du septième arrondissement. Le sens de circulation du cours Gambetta d’est en ouest va en direction de la fosse aux ours. Deux voies sont dédiées aux voitures, avec une voie dessinée au sol pour les cyclistes. A contre-sens une voie pour les bus. A gauche du cours Gambetta, venant du sud de Gerland et du septième arrondissement, l’avenue Jean Jaurès qui devient dans une légère oblique l’avenue du Maréchal de Saxe tirant droit jusqu’au sixième arrondissement et le parc de la Tête d’Or. Au niveau du carrefour, c’est le haut de l’avenue de Saxe, le dernier numéro étant le numéro 165 ou le 167, je dirais le 165. L’observation se fait depuis la numérotation impaire du côté est de l’avenue. Le sens de la numérotation suit le cours du fleuve coulant nord sud en direction de Marseille. Les immeubles sont anciens mais moins cossus que dans le sixième arrondissement. Six étages en moyenne se disputent la hauteur du ciel avec des platanes arrivant presque au niveau du cinquième étage. La chaussée de l’avenue Jean Jaurès et l’avenue de Saxe se partage comme le cours Gambetta entre couloir de bus à contresens voies de circulation pour les voitures et piste cyclable. Aux quatre angles du carrefour se trouve une station de métro, un escalier simple à l’angle de l’avenue de Saxe et du cours Gambetta, une volée d’escalier doublée d’un escalator au bout de l’avenue Jean Jaurès ainsi qu’une cabine d’ascenseur. Du côté pair de l’avenue Jean Jaurès, un escalier simple tournant le dos à un double abri bus. Une banque fait l’angle du cours Gambetta et de l’avenue Jean Jaurès, côté pair et côté impair. Les arrondis de trottoir sont larges facilitant la circulation aisée des piétons. Cours Gambetta côté sud, une large grille d’aération du métro occupe le trottoir devant un bureau de tabac presse. Parfois, un mendiant se tient là avec sa sébile. Sur un carton on peut lire pour mangé ou bien sans logement une piécette SVP. Une autre grille d’aération se trouve avenue de Saxe devant un bar à bières Hopper côté pair. La vitesse de circulation est limitée à 30 km/h, c’est écrit à moitié effacé sur la chaussée. Des feux tricolores ordonnancent la danse des voitures bus vélos trottinettes piétons poussettes utilitaires camionnettes en un flot ininterrompu. Le marquage au sol peinturluré en blanc trace les chemins à emprunter. Beaucoup de SUV de 4X4 urbains encombrent les places de stationnement.
Lyon 5 décembre 1979
Le carrefour Saxe Gambetta semble immuable avec ses huit voies de circulation. Le cours Gambetta comporte deux voies de circulation d’est en ouest et deux d’ouest en est. L’avenue de Saxe dans la continuité de l’avenue de Saxe ou inversement comporte également deux fois deux voies de circulation du sud au nord et du nord au sud. Je ne sais plus si les bandes blanches avaient remplacé les passages cloutés, je pense que oui, mais on continue de dire traverser sur les clous. Des trolleys bus à perche naviguent au milieu des voitures dans leur voie dédiée au-dessus des fils électriques desquels ils ne dévient guère au risque qu’une perche se décroche, le trolley bus ne pouvant plus avancer embouteille l’avenue. Circulent des Peugeot des Renault des Citroën que l’on reconnait derrière la fenêtre les mêmes voitures que la R 16 familiale la DS du tonton la 2 CV de la tante les mêmes que les modèles réduits Majorette avec lesquels on joue. Du haut de la fenêtre depuis la chambre on observe la rue on compte les voitures par familles et couleurs. Au feu vert, on compte de un à dix puis valet dame roi pour voir qui est le roi, une belle voiture ou une voiture pourrie. On se dispute en établissant un pronostic de nos voitures préférées. On essaye de déterminer quelle voiture arrivant passera au feu orange devra s’arrêter au feu rouge. Ça finit toujours en pugilat. Le soir les phares n’éblouissent pas. L’enseigne lumineuse du marchand de vélos Pithioud clignote. Aux deux angles de l’avenue de Saxe et du cours Gambetta un café. La vue donne sur le café du Commerce les banquettes en cuir. Quand le store ban est baissé on ne voit que les pieds des clients. Le garçon de café porte pantalon et gilet noirs chemise blanche et plateau rond. Y a-t-il seulement une terrasse ? Et la cabine téléphonique ? Elle est double et l’on surveille qui entre téléphoner combien de temps on imagine les conversations. Parfois un clochard vacillant se lance pour traverser la rue. Tout le monde retient son souffle. Une autre fois un homme mal en point vomit tripes et boyaux sur le trottoir. Alors la rue fait peur.
… je mesure la belle idée que celle de F.B en lisant aussi ce texte sur une ville que je ne connais que très peu et j’aime déambuler entre deux époques, avec force détails, je m’y vois dans l’une comme dans l’autre… merci !
Je lis enfin ton texte. C’est fou cet exercice : le premier (et pour cause) est extrêmement précis géographiquement, plus objectivement descriptif ; dans le second, la mémoire familiale (collective avec le on) vient remplir les trous mémoriels de la géographie, ce qui donne une autre coloration au lieu (qui devient habité par les rituels de l’enfance).