Avril 2006
Je suis arrivée pour la seconde fois | mais la première j’étais quasi comateuse et partagée entre mon intérêt pour ma soeur et pour des lieux où je peinais à m’imaginer pendant une vie future | avec la jeune femme de l’agence immobilière pour la remise des clés et l’état des lieux ; j’ai abordé le petit tronçon de la rue du Limas où se situe l’antre par la rue Saint Sébastien, rue étroite où on avance avec dans les yeux un espace bleu au dessus d’un fragment de rempart, là où les parallèles cessent de se rapprocher sous le miracle de la perspective, et n’ai eu conscience que de la suite des hautes maisons (enfin de maisons de deux étages seulement mais l’étroitesse de leurs façades donne cette impression dans cette ville de maisons anciennes qui ne s’élèvent jamais beaucoup), la succession de portes différentes et unanimement peintes de couleurs sombres et plus ou moins écaillées ponctuée d’une boutique vide et de l’arche d’un garage condamné, avant le bac au lierre débordant séparant le bois sombre de ma future porte de la vitrine montrant deux des tapis du gentil marchand, futur presque ami, qui occupait alors la boutique de notre petit immeuble, et, le long du trottoir en face, de l’alignement des hautes fenêtres nobles de l’hôtel que j’appelais à tort hôtel de l’Europe alors qu’il dédaigne cette dénomination banale et qu’il est hôtel d’Europe, correction qu’il m’arrivera d’infliger avec la petite fierté de l’initiée |avant la grille encadrée de pots à feu de son portail latéral.
Juillet 2024
En ouvrant ma porte, la lumière sur la fenêtre au rez-de-chaussée de l’hôtel au dessus du bac en maçonnerie aux rares plantes étiques… je fais un pas sur le trottoir pour éviter la table de fer qu’a installé à gauche de la vitrine de sa boutique, devant le bac d’où grimpe le lierre, l’antiquaire (beaux meubles et objets du vingtième siècle) qui miraculeusement devient maintenant aimable… mais ne le sera jamais autant que l’ami d’autrefois… j’installe mon sourire avant de traverser l’espace entre les tables du café, la rangée de regards qui me seront indifférents ou souriants ou scrutateurs et le portail de l’hôtel, espace toujours plus ou moins riche d’échanges, de jugements, parfois d’interpellations… je lève les yeux vers la série de pavillons de l’hôtel pour juger de la force du vent, si vent il y a, et la qualité de la lumière sur la place… je jette un coup d’oeil sur ma silhouette en passant devant la grande porte en glace de l’annexe pour réceptions privées de l’hôtel d’Europe qui fait suite au café et je débouche sur la place en prenant force dans l’immense éventail de mon platane préféré, baptisé arbre de la Paix entre notre rue et le rempart… avant de traverser, de prendre pied sur le grand espace partagé entre les terrasses des restaurants endormies à cette heure… au fond de l’allée entre les tables une file d’attente s’est formée devant le comptoir provisoire du théâtre… je me tourne vers la façade de l’ancienne comédie, salue le soleil en gloire du fronton, passe devant le gardien qui veille sur le local mis par l’hôtel à la disposition d’un bijoutier dont la boutique rue Saint Agricol est en réfection… un couple commente avec un respect ahuri la carte du restaurant de l’hôtel… je m’engage dans la rue Folco de Baroncelli, souri aux changements dans la vitrine de la galerie Ducastel, louvoie entre les adolescents et jeunes-homme ou encore jeunes-hommes (plus rares) | lesquels s’écartent ce qui crée un petit ballet maladroit, marqué par nos sourires fugitifs | qui bullent devant les boutiques de mode décontractée, de baskets hors de prix et de plantes à roulettes… j’entre dans la ville.
» j’installe mon sourire »
Merci Brigitte. Nous traversons les espaces.
merci Ugo 🙂