Les amis lyonnais nous présentaient leur ville. On montait, on descendait au gré des collines, Croix-Rousse, Fourvière, on traversait le Rhône, et puis la Saône dans un sens, puis dans l’autre. Moi, je me laissais faire et je suivais.
On entra dans une très grande épicerie où les épices se disputaient mes sens en plein bassin méditerranéen, chez Bahadourian. Installé au début du XXe siècle, la place portait même son nom. Je me délectais au fil des allées entre épices orientales, spécialités turques, gâteaux dégoulinant de miel et l’odeur du Pasturma me poursuivait.
Au rayon des confitures, les alliances les plus étranges se nouaient, et soudain le choc, Aïcha la confiture d’ipomée était là, mon frère m’en avait apporté au moment du décès de notre père.
Aujourd’hui, cette ville est la mienne et je passe souvent place Bahadourian, l’énorme parking a disparu et à sa place de la verdure, des fleurs, une aire de jeux, des arbres, des tables en bois scellées au sol, des bancs, une nouvelle vie pour moi, maintenant que cette place est devenue ma place, celle que j’arpente pour faire des courses, celle où j’aime me poser pour rêvasser et observer les mamans, les mamies et voir courir les enfants sans crainte de voitures.