Le pont tient bon. La rivière en dessous s’écoule sans heurt. Un banc de bois tout neuf permet aux promeneurs de se reposer un instant près des traces d’un feu depuis longtemps éteint. La nuit, parfois, on grille des cervelas. De l’autre côté du pont, un grillage se dresse parmi les herbes hautes. Interdiction d’entrée. La maison pourrit au bord de l’eau. Quelques graffitis en recouvrent les murs mais ils restent cachés par un fouillis d’orties, de ronces, d’arbres poussés au hasard. Une épaisse mousse verte recouvre les tuiles du toit. On s’arrête quelques secondes sur le pont. On regarde l’eau en dessous. Ça donne soif. On reprend sa course.
Pour traverser le pont , il fallait bien se tenir aux barrières. On avait un peu peur de tomber dans la rivière mais de l’autre côté il y avait le Moulin de Prez. On tendait le bras pour montrer les animaux. Les adultes disaient les noms : lamas, émeus, autruches. Il y avait trois bâtiments : la ferme où logeaient les poneys, les oies, les canards, les chèvres, la buvette qui ressemblait à un ranch, avec des citations gravées sur le bois de la charpente (une seule me revient : l’eau c’est la vie, vive l’eau de vie), une dame à queue de cheval qui servait des sirops pour les enfants et des bières pour les hommes, et le chenil où des chiens recueillis aboyaient sans cesse. Après le sirop, on reprenait le chemin dans l’autre sens. Il y avait trois autres ponts à franchir.
J’aime beaucoup le changement brusque de temps
et j’aime le parallèle
présent ou passé pour traverser le pont
simple et si efficace et que d’images nous viennent en tête…