Ça ne s’écrit pas comme ça mais tout le monde ou presque le dit ainsi. Rue Odrobec, la nuit. Le ruisseau fait moins de bruit en s’écoulant que le jour, même quand on se couche près de lui, sans se soucier de ce qu’il pourrait entendre, lui ou n’importe qui d’autre – j’ai envie de t’embrasser. Du baiser il ne reste plus rien mais ses bras partout autour de moi, on se serre si fort, on s’agrippe à nos manteaux d’hiver, allongés là comme allongés dans l’herbe mais c’est le béton qui nous berce sur la petite passerelle, en dessous de nous, le ruisseau s’écoule sans rien dire, on regarde les étoiles comme en été et il commence à pleuvoir,
Ruordrobec | Rue Haut du Robec | Rue Eau du Robec | Rue Eau-de-Robec
J’ai arrêté de compter mes sauts. Chaque fois je me concentre sur la posture d’athlète que je prendrai en atterrissant de l’autre côté du ruisseau. Mon jeune public ne se lasse jamais et comme je commence à fatiguer, je prétexte avoir vu des poissons dans l’eau. On reste là, accroupis sur le rebord – mais où ? Où est-ce que tu les as vu ? Parce que j’ai menti, je fixe le petit renfoncement en amont, là d’où arrive l’eau de je ne sais où, là où la lumière du soleil ne peut pas entrer, où il fait trop sombre pour voir quoi que ce soit, à part peut-être une petite algue argentée qui détonne avec les autres bien vertes, et qui à force de la regarder ressemble de plus en plus à une nageoire qui s’agite pour résister au courant, et quand l’œil s’habitue enfin, il en voit des dizaines agglutinés là dans le secret, c’est vrai qu’il y a des poissons dans le Robec, maintenant que j’y pense je le savais, je pensais avoir menti mais il m’a fallu regarder dans le noir et y croire fort pour que leurs nageoires dans ma mémoire refassent surface.