30 septembre 1988. J’habite alors boulevard de Belleville, je suis étudiante et je loue à un ami une chambre dans son appartement. Appareil photo autour du cou, je découvre jour après jour le quartier. Jusqu’à ce jour de septembre où je remonte la longue rue de Ménilmontant et sur le trottoir de droite, derrière des palissades où une brèche me permet de jeter un œil, je découvre un vaste terrain vague où jouent trois jeunes enfants, deux petites filles et un garçon d’environ dix ans. Je parviens à me glisser par une ouverture à travers une des barrières et me retrouve dans ce terrain vague. Je partage un instant les jeux de ces frères et sœurs, je prends des photos des murs d’immeubles détruits et dénudés où des pans de tapisserie demeurent, d’objets variés et insolites, et sans que cela ne les perturbe, car nous jouons ensemble, je les prends en photo au gré de leurs mouvements et de leurs sourires qui se dévoilent. C’est ma première pellicule et peut-être mes plus beaux portraits. Je la développerai moi-même.
17 avril 2016. Je remonte la rue de Ménilmontant, mon objectif est d’aller chercher des livres des éditions 13ème Note qui a malheureusement fait faillite, dans la librairie le Monte en l’air rue de la Mare. Je grimpe la rue sur le trottoir de droite et j’essaie de me rappeler vers quelle hauteur était ce terrain vague. C’était dans le premier tiers de la rue il me semble. Ça y est, je crois avoir trouvé l’emplacement, du moins je vois un grand supermarché. Un Casino. Je pense à ces trois enfants qui doivent avoir aujourd’hui environ 40 ans. Ils ont peut-être eux-mêmes des enfants, ils ont du fait leur vie. Leurs visages en noir et blanc sur mes photos me poursuivent. J’arrive à la librairie, je rafle tout ce que je trouve des éditions 13ème Note le cœur battant. Je redescends la rue de Ménilmontant, chargée mais légère, un sourire sur le coin de mes lèvres, un soleil rougeoyant descend sur Paris, autour de l’astre le ciel est violacé.
… et où jouent maintenant les enfants de ces enfants pris sur le vif ? Merci pour ce portrait touchant d’un terrain vague… et du vague à l’âme.
Merci Eve pour votre commentaire, leurs enfants doivent probablement jouer sur des écrans…