Le lieu réel (aujourd’hui) bien moins saisissable que le lieu mémoriel (hier).
La maison rouge est toujours là. Au bout de la rue et après d’autres maisons bien alignées, comme alors, il y a la mer. Au bord de la rue et du trottoir, une grille que quelqu’un doit toujours aller ouvrir pour y faire entrer la voiture –qui peut-être comme alors n’en bougera plus le temps des vacances. Mais peut-être n’est-ce plus une maison de vacances… La maison rouge forme toujours un grand L habitable. A l’époque déjà de l’extension tu n’y venais plus en vacances. Et de toute façon tu n’aimais pas. Tu n’oses pas trop regarder. Il y a de monde. Une famille. Tu as l’impression que la petite terrasse est désormais fermée à l’abri des assauts de l’hiver et des jours de grain et de tempête. Tu préfères la maison cocon aux quatre vents. Des gens vaquent. Ce n’est plus la maison de Madelon, celle du mois de juillet où nous embarquait ma grand-mère pour deux semaines. Tu la regardes, elle t’échappe.
Au temps de l’enfance et de l’adolescence, la maison rouge, c’est simplement la petite branche du L : une petite terrasse carrée abritée mais ouverte sur deux côtés, à la merci de la pluie donc. Qui donne d’abord sur une petite cuisine sur le côté droit du carré. Puis sur une première chambre où dorment l’arrière-grand-mère et la grand-tante, suivie en enfilade d’une deuxième chambre, où dorment dans le grand lit la grand-mère et la petite. La plus grande dort sur un lit de camp. Les toilettes sont dehors. Il faut contourner le L. Le terrain devant la petite maison est plutôt grand, lui –par rapport à la petite maison –, et l’isole finalement un peu des bruits de la rue. Sas bienvenu de touffes d’herbes irrégulières, de sable et de terre. Mais la petite maison rouge, du plus loin que tu te souviennes, ce sont surtout des éclats de rire, de jeux, de larmes et d’amours.
« Le lieu réel (aujourd’hui) bien moins saisissable que le lieu mémoriel (hier). » Eprouvé la même chose ; je dirais moins ancré moins imprimé. D’où la difficulté à écrire. Et peut-être la peur d’être déçue par la maison rouge. Comme quand on relit adulte un livre que l’on avait aimé enfant ou ado. Toujours cette déception latente.
Oui, c’était vraiment troublant ce constat. Et l’analogie est tout à fait juste. Hâte de prendre le temps de te lire ! A très vite !