Venelle qui grimpe le long d’une forêt sombre, mais pas suffisamment sombre pour faire fuir le bleu intense des jacinthes des bois. La dernière fois que je l’ai empruntée, seule, le mois dernier, j’ai mis du temps à atteindre le petit cimetière à l’orée du bois, le sol de terre et de pierres était raviné par des pluies récentes et étonnamment diluviennes. Une odeur de champignons, une odeur d’humus. Une fraîcheur due à l’ombre des branches qui la couvre et la couve. De l’autre côté de cette venelle quelques maisons ocres discrètement accrochées à la colline. Le village est ainsi, discret. La végétation prospère et envahirait le passage si les employés de mairie ne l’entretenaient pas régulièrement. Elle prend sa source dans le petit cimetière qui domine la vallée du Crevon* et se jette sur une route goudronnée qui serpente dans le village, la route du Pigeonnier. Je me suis dit que la prochaine fois je monterai en voiture, à pied ça devient trop difficile pour mes articulations rebelles mais je n’irai pas me plaindre, j’aimerais tant qu’elle garde son aspect bucolique et ne soit pas à son tour, pour quelque commodité mineure, bitumée.
La première fois, c’était il y a vingt-cinq ans. On l’a découverte ensemble, toi et moi, au printemps. On marchait sur la route du Pigeonnier quand tu l’as remarqué cette sente qui grimpait on ne savait où, elle virait très rapidement sur la gauche et ne laissait présager en rien sur le lieu de sa source. La forêt garnissait sa canopée de feuilles d’un vert tendre et se baignait dans une marée bleue de jacinthes des bois. Sur la gauche, derrière de jeunes haies de charmilles qui ne les cachaient guère, quelques maisons blanches, nouvellement construites. Sur le bord, des silex alignés. A la sortie du virage en haut de la côte un petit portail ouvrait sur un terrain à l’orée de la forêt. Un cimetière comme un écrin. On a tout de suite aimé…