De toi cette photo où on a envie de demander, qui es-tu, belle jeune fille (1) ? Prise adoptant une pose romantique, appuyée sur les torsades de la (2) glycine ou les hampes d’un rosier (3), c’est ton père qui règle l’appareil, dont le résultat sera cette photo en noir et blanc (5), où on perçoit une ensoleillée matinée de printemps (6), tu ne souris pas, non, sérieuse comme on peut l’être à l’adolescence, tout est drame, te prêtant au jeu de l’énigmatique jeune fille qui ne sait pas ce qu’elle réserve d’avenir, fluette, fragile, mais décidé, le regard ! tu n’es pas terminée et pourtant l’essentiel, tu l’as déjà constitué, tu le tiens en toi mais tu ne le sais pas, tu le sais, et avec cette robe (8) que tu habilles d’un corps fin et alangui, tu es une pousse appuyée sur une pousse, une fille moderne années 30, garçonne un peu : la coupe courte des cheveux, dans un déhanché féminin, tu te tiens là, tu ne sais pas ce qui va se passer- la guerre, comment pourrais-tu deviner, et d’abord la mort de ta mère (9), tu es impertinente comme les héroïnes de Colette, dont tu tiens le nom, au mutin sérieux, un bras enroulant la branche (10), on vous attend pour le déjeuner (11) mais ton père a su que c était le moment là, saisie dans la grâce, de toi pas d’autre prise à cet âge (12), jeune fille petite fille butée, dans le jardin de la maison de campagne de ton père (13).
(1) aurais-je choisie cette photo, si inreconnue ?
(2) Je trahis que je sais où c’est.
(3) je le savais en écrivant, impossible, trop piquant, je sacrifie à à l’attrait qu’a pour le mot.
(4) le sais car j ai toujours son appareil à soufflet, comment le dire ?
( 5) dentelée je ne sais pas, je ne l’ai pas devant moi, et en rajouter sur l’ ancienneté, même si c’est vrai ?
6) imaginer cela, ça apporte quelque chose ?
(7) bof ! de trop ?
(8) pas la photo devant moi, sinon, sûr qu’elle y passait, la description !
(9) j’aurais voulu prolonger le : « je la connais/je ne la connais pas », là trop flagrant que si !
(10) faudrait savoir : appuyée ou le bras enroulé ? photo manque !
(11) Bienvenu d’imaginer que le déjeuner les attend ? Pourtant l’évocation d’un de ces repas, comme décrits Annie Ernaux dans Années » – même époque, chargés, fabuleux, et elle explique si bien les pourquoi – j’y tiens car je les ai connus ! mais je ne peux réécrire son livre ! Trouver juste une allusion, une pointe légère qui rappelle ?
(12) j’ai pensé prélever 4 photos, ayant déjà visualisé celles que j’allais prendre, bien en situation : sur l’une elle a quatre ans, l’autre huit, celle-ci et quand jeune mère
(13) Elle est bien trop désignée là, tout du long ? Ce jeu me laisse insatisfaite, j’aurais voulu qu’elle soit symbole, et moins issue de « l’archéologie familiale ».