La porte s’est enfin ouverte 1. Une silhouette m’indique de la suivre d’un geste sec, je 2 discerne à peine ses traits déformés par une lumière blafarde. Un couloir, un escalier, un autre couloir et le cliquètement d’objets que je ne distingue pas 3 J’imagine des clefs, de longues clés de couleur acier, des dizaines qui ouvrent chaque porte de ce bâtiment de pierre. Les pas résonnent et me font peur 4. J’essaie d’être la plus légère. J’ai à mes pieds des souliers vernis aux talons plats produisant un son très mat comme si j’arpentais les tunnels d’une caverne. Les couloirs ressemblent bien à des galeries qui s’entrecroisent, jettent et rejettent mon corps. Nos ombres font danser la lumière qui balaie le sol, lèche les murs et le plafond comme à la recherche d’une issue. Des portes défilent, encore des portes, toujours closes. Puis enfin, elle me fait signe de stopper devant la porte numéro 25 qui s’entrouvre.5
1. Comment se présente-t on devant la porte d’une maison d’arrêt. Y avait-il un gardien devant la porte, a-t-elle du frapper, sonner
2. Le personnage s’exprimant en « Je » est ma grand-mère se « constituant » prisonnière à la maison d’arrêt d’Angoulême en janvier 1944, elle a 46 ans. Son jugement, en date du 16 décembre 1943, à La Rochelle, est introuvable.
3. J’invente, j’imagine, me base sur des images « clichées ». Je ne connais que la maison d’arrêt de Toulouse aujourd’hui transformée en musée. Il faut aller fouiller les archives pour en percevoir l’architecture, en ressentir l’enfermement.
4. Le document d’écrou indique une entrée le 14 janvier 1944 à 20h30 et une sortie le 4 février 1944 à 18h.
5. Avec quelles détenues a-t-elle purgé sa peine ? Etaient-elles juives, en attente pour un départ vers les camps ? Quels camps, pour quel destin ? Ont-elles échangé ? A-t-elle eu faim ? A-t-elle écrit à son mari ? Y a-t-il eu des correspondances ?