« Pour une femme1, voir Allemagne mère blafarde2 c’est perdre la parole3, devenir muette4, être sidérée. Comment les hommes, eux, voient-ils ce film ?5 »
1 – dans l’expression générique pour une femme, il est question du prototype de la femme européenne de 30 ans dans les années 80, qui n’a pas vécu la guerre et qui n’est donc pas prête à recevoir toute cette violence*
2 – titre original : Deutschland, bleiche Mutter est un film ouest-allemand sorti en 1980, réalisé par Helma Sanders-Brahms dont le synopsis donné par Wikipédia dit que c’est la chronique d’un couple allemand entre 1938 et 1950. Hans est envoyé sur le front polonais et Lene accouche, seule, d’une fille, Anna. Exode, souffrances, ruines et lutte pour la survie dans l’Allemagne de la défaite et de la reconstruction. Hans survit à la guerre, mais Lene, atteinte de paralysie faciale, ne peut plus communiquer.**
3 – je n’ai pas pu parler pendant une heure à la sortie de ce film, non par mimétisme – Lene y perd la parole – mais parce que devant tant de violence faite à une femme parce qu’elle est femme, le trop plein de mots de révolte s’est bousculé au fond de la gorge enlevant toute possibilité d’expression cohérente.
4 – ça me rappelle dans Le Médecin malgré lui (Acte II, scène IV), Sganarelle qui explique à Géronte l’étiologie de la maladie de sa fille … qui est causée par l’âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs… Ossabandus, nequeyrs, nequer, potarimum, potsa milus. Voilà justement pourquoi votre fille est muette.
5 – se placent-ils en victime ? se rendent-ils compte de la monstruosité de leurs actes, même s’ils sont induits par une situation qui les insupportent ?***
*- Il y a celle due à la guerre elle-même, la séparation du couple avec la femme qui attend le retour du combattant, l’enfant d’une permission – retour furtif du front – la défaite annoncée qui fait fuir Lene et sa petite fille, le viol de la mère par les Russes en présence de l’enfant… tout ça se sont les horreurs de la guerre… quelle qu’elle soit… insupportable ! Puis il y a le retour du combattant qui a perdu la guerre, deuxième volet de la violence, et là ! … ça devient odieux et cruel… violence de cet homme décomposé envers sa femme impuissante à le maîtriser
** … et pour la « soigner » on lui enlève toutes ses dents … c’est le docteur ( ou un psy… je ne sais plus) qui en donne l’ordre et le mari agrée sans tenir compte de la réaction d’opposition de la femme
*** à quel moment un homme de quarante ans en 1980 regardant ce film, se sent il en empathie avec le héros ? et… se sent il en empathie ? Quand il part au combat avec l’armée de l’Allemagne nazie? Je ne me rappelle pas s’il y va par conviction ou par obligation. Quand il revient en permission en Allemagne ( à Berlin je crois) encore vainqueur sur le front en Pologne ? Quand il rentre vaincu et retrouve une femme, la sienne, avec une fille, la sienne, qui ont vécu sans lui pendant six ans, avec lesquelles ils ne se retrouvent pas…?
Combien ce très court paragraphe s’est déployé ! Donne évidemment envie de voir le film