J’ai le souvenir de trois photos de toi.
Sur la première, tu dois avoir 7 ou 8 ans. Tes parents ont du t’amener chez le photographe à Paris. Ton regard un peu inquiet vers le lointain, ta coupe de cheveux à la Jeanne d’Arc, ton costume marin foncé, col carré sur plastron rayé, ta bouche abattue… tu ressembles à un ange triste. Ton expression semble raconter ton éducation sévère, la dureté de ton père que tu vois rarement, ta vie d’enfant dans les années 30 où tu vas devoir quitter tes jeux et considérer la vie avec sérieux.
La seconde photo sur laquelle je m’attarde est un autoportrait que tu as fait devant une glace. Tu apparais de trois-quarts, il y a une belle lumière sur ton visage. En arrière plan on aperçoit une bibliothèque, tu devais être chez tes parents. Tu as 19 ans, la guerre va bientôt éclater, tu t’en doutes peut-être. Tu es élégant, chemise blanche, cravate et veston. Tu es beau. Tu as la vie devant toi, pourtant sur cette image tu sembles inquiet. Difficile de se sourire à soi-même.
La dernière photo que j’ai de toi, je m’en souviens, c’est moi qui l’avais prise. Tu es dans notre salon, sur le fauteuil, ta main tient une pipe, tu porte un pull clair, d’où ressort le col de ta chemise. Tu ne regardes pas l’objectif, tu fais comme si la pose était naturelle et tu parles en faisant un geste avec ton bras. La vie t’a passé à la moulinette. Tu viens de vivre 3 années de chimio, tu t’es isolé de tes amis, de ta famille. Tes enfants sont encore jeunes, tu ne cesses de penser à leur avenir, un avenir où tu seras absent.
Belle et terrible à la fois cette esquisse de vie en trois photographies. Et puis cette phrase qui cogne « La vie t’a passé à la moulinette. » Merci Virginie
Merci Camille pour ton retour