Je pensais ne pas avoir de photo de toi, mais en fouillant dans le grenier quelques archives lointaines je suis tombé sur cette photographie prise sur la plage dans la baie de Plum en Nouvelle-Calédonie. Un jeune soldat en uniforme, treillis, veste à poche serrée à la taille par une large ceinture, les manches relevées jusqu’au-dessus des coudes, le béret bleu sur la tête, un peu en arrière parce qu’il fait trop chaud pour le garder jusque sur le front l’écusson non aligné au-dessus du sourcil droit. Un moment de détente entre deux exercices, où l’on peut se permettre de déhancher le temps d’une photo. Tu en as fait une presque identique de moi. Tu souris, nous venions certainement de nous marrer à propos d’une connerie. Ces deux photos se confondent, le même décor, la même posture, les sourires, il n’y a que les visages qui changent.
Je tenais à te dire que je pense parfois à toi, une pensée forte, une sorte de sentiment de culpabilité, un serrement et j’insiste que je ne savais pas que j’avais une photo de toi et cela m’a presque soulagé d’en avoir une, cela m’a permis de me défaire de ce sentiment de culpabilité, si on peut l’appeler ainsi. Sans crier gare, un jour est remonté ce souvenir comme une étreinte de laquelle on se débat. Un jour tu as voulu m’embrasser, je t’ai repoussé. Tu n’y as peut-être jamais repensé depuis. Peut-être que toi aussi tu as retrouvé la photo et puis voilà.