Je n’ai aucune photo de toi, ce dont je me souviens c’est de ton air buté de jeune femme nouvellement mariée avec un homme que tu ne connaissais pas du double de ton âge.
Pas de photo de toi, seulement un « oui » arraché à la place d’un « non » hurlé. Les parents avaient conclu leurs affaires, la dot, le logement et le mariage, à l’unanimité, ils avaient rejeter le jeune et beau cousin trop pauvre et trop amoureux.
Pas de photo de toi en robe de mariée, pas de photo de toi t’installant avec ton mari loin de ta famille, loin de tes sœurs que tu adorais et de ton petit frère avec qui tu te chamaillais.
Pas de photo mais ce que je sais de toi, je le tiens de ta sœur, ma mère, elle t’admirait, tu étais son modèle toi l’aînée, tu étais belle, joyeuse et tu savais si bien broder. D’ailleurs, j’ai encore deux nappes ajourées et brodées de ta main, tes initiales gonflées d’attente et d’amour. C’était avant le mariage, du temps où tu confectionnais ton trousseau. De ce mariage, aucun enfant n’a vu le jour, et toi, jeune femme d’à peine 30 ans, tu es morte terrassée d’une pneumonie, laissant ma mère inconsolable.