20.
Le texte suivant, inspiré (disons) de quelques lettres écrites durant la détention -notamment en ce qui concerne les puissances divines. Travail en cours.
(je fais tourner en boucle A whiter shade of pale reprise Annie (non pas Ernaux mais) Lennox – ça rappelle quelque chose ?)
À un moment on cesse de se battre, ça suffit… il n’y a plus rien, disait Léo et tout est consommé et même la bible ne nous est de rien – tu vois cette image que j’ai cherchée partout sans la trouver jamais – tu te souviens ? Celle où tu es avec Luca, Noretta, cette image qui n’a jamais plus existé ou qui n’existe plus, cette image-là de mes deux êtres les plus chers au monde – alors j’arrête, je prie, j’exhorte j’écris : mais j’arrête – j’ai eu de la colère, des peurs, des cris des larmes, j’ai eu envie de tout foutre en l’air (non, je ne pourrais jamais écrire ça, je ne pourrais jamais te l’envoyer, tu ne pourrais jamais le lire, non – mais tu vois, c’est comme ce survêtement de sport que je porte, non, jamais non plus jamais je n’aurais pu porter quelque chose de ce genre, jamais), et puis je me suis allongé, sur mes yeux j’ai posé mon bras et j’ai voulu dormir – j’ai repensé à cette image de toi, avec le petit – j’ai repensé à nos enfants – je ne me suis pas assoupi, je n’ai pas rêvé que je m’évadais, que je courrai seul dans la nuit, je n’étais pas dans cette image – à un moment, très vite j’ai su que ma vie ne tiendrait qu’à un fil, mince, léger, diaphane pur net – tellement différent de toutes ces paroles, ces confusions, ces négociations, ces demandes – ma toute douce, ma chère Noretta, c’est à elle, c’est à ma vie qu’ils en veulent et mes amis eux n’en veulent plus – échanger, tergiverser, palabrer oui je n’ai plus guère d’amis s’ils l’ont jamais été – tout, tout est inutile quand on ne veut pas ouvrir la porte, je m’en remets au Très Haut, je n’ai pas de crainte sinon pour vous, toi et mes enfants, je les bénis, je suis un peu absent, je suis un peu loin pour vous aider et j’en suis empêché
Aldo Moro – matrimonio (mariage)
si touchant les mots que tu lui prêtes… « je n’étais pas dans cette image », ça vaut pour tout ce qui lui est arrivé… (si tu vois ce que je veux dire ;-))