#anthologie #20 | ce qu’on perd

D’elle je n’ai que très peu de photos. Je mise surtout sur ma mémoire mais j’ai tort, elle est étrangement sélective. Les choses importantes, je les oublie, je ne garde des gens que d’insignifiants détails qui présentent un intérêt pour moi seule. J’ignore pourquoi je n’ai pas davantage d’images. Peut-être parce qu’on se dit que l’autre est là, que sa présence compte plus qu’un cliché qu’on va ranger dans un coin. Sauf ce photomaton qu’on avait pris, après cette fameuse soirée d’anniversaire, tu avais un peu trop bu et j’ai profité de la situation j’avoue. C’était un moment particulier, très fort, joyeux aussi. Immortalisé. Cette série est rangée depuis dans mon portefeuille. Abîmée, écornée, le papier s’est altéré. Pas ton sourire.

Il y a eu aussi ce tirage d’un concours que tu m’as offert. Tu étais très fière. Seconde place en concours international. Je ne sais plus lequel. A l’époque, ça me passait par dessus la tête. C’est une posture un peu acrobatique, une gestuelle qui impressionne, un visage concentré sur l’effort et comme toujours, cette élégance. J’aime beaucoup cette photo parce que c’est un vrai cadeau de toi de cette époque où nous étions meilleures amies du monde. Dedans se cachent beaucoup de choses, de sentiments indéfectibles, de confiance. Une photo pour un serment.

J’ai retrouvé cette autre, photo scolaire, de groupe où tu apparais, premier rang au centre, jupe plissée et bottines gothiques, cheveux relevés. Ces années de collège sont les nôtres, précieuses entre toutes. Avant que nos chemins ne s’écartent, sans se séparer mais alors, je te prendrais en photo avec mon premier smartphone. Celui-là même qui est tombé à l’eau. Et toutes les photos de toi perdues.

A propos de Perle Vallens

Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Publie récits, nouvelles et poésie en revues littéraires et ouvrages collectifs. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 (au diable vauvert) et autrice d'un livre de photographie sur l'enfance, Que jeunesse se passe (éd J.Flament), d'un recueil de prose poétique, ceux qui m'aiment (Tarmac), d'un recueil de nouvelles, Faims (Christophe Chomant) et d'un récit poétique et choral, peggy m. aux éditions la place. Touche à tout, pratique encore le caviardage, le cut up (image et/ou son), met en voix (sur soundcloud Perle Vallens ou podcasts poétiques), crée des vidéo-poèmes et montages photo-vidéo (chaîne youtube Perle Vallens)...

4 commentaires à propos de “#anthologie #20 | ce qu’on perd”

  1. Très joli texte sur l amitié et ce qu on perd avec le temps , la mémoire affective est sélective. Merci !

  2. Touchée par ce très beau texte. oui parfois on a pas de photos…. parce qu’on se dit que l’autre est là, que sa présence compte plus qu’un cliché qu’on va ranger dans un coin…
    Merci Perle !