C’est une photographie en couleur, cadrée sur ton visage et celui souriant d’un bébé aux joues remplies. Le haut de la tête est coupé mais on voit (ou je devine) les cheveux fins, rares et blancs, peignés sur le côté, le front large. Derrière, les traces des arbres que tu as planté. Sur les deux autres photographies, d’après la disposition de la table de fer rouge en nid d’abeille (je me souviens du bruit des verres sur l’acier – tremblant et froid) elle a dû être prise sous le grand chêne, pas très loin du saule pleureur où je me cacherai longtemps et sous la longue branche qui servait d’assise à l’enfilade de cousins à califourchon pour la photo annuelle. En bas à gauche, la tête appuyée contre ta poitrine, le bébé aux joues remplies, cheveux fins sur le haut de la tête et un sourire sans dents. Ce doit être l’été 1979. Tu portes une veste de costume léger. Je me demande si c’est la rosette que l’on voit à peine. Le col de la chemise est ouvert d’un bouton. C’est l’été. Ton sourire, bien que retenu, est plein. C’est sa pudeur dont je me souviens. Et tes genoux. Ni ta voix, ni tes mains. Une autre photographie dans l’enveloppe donnée par ma mère. Assis sur une chaise, un enfant debout sur un tabouret dans ton dos te coiffe. Les cheveux sont encore plus rares, une serviette posé sur les épaules et tu regardes dans un petit miroir le résultat avec un léger sourire. D’après mon âge, elle a du être prise en 1983, lorsque nous habitions tous les quatre chez vous dans le deux pièces de la rue Vasco de Gama. Nous serons trois à rester. Il repartira. Je serai restée longtemps dans tes bras ce jour-là, je crois m’en souvenir par l’odeur du tabac.