#anthologie #02 | le tour de la cuisine

On voit le reflet d’un homme assis, dans la fenêtre, fragmenté par le croisillon, oeil droit carreau droit, oeil gauche carreau gauche, un bout de de barbe de part et d’autre, le nez invisible, il doit regarder au loin, dans le champ, vers le pommier, il ne regarde rien, il est absent, les murs en pierre, le bruit de la machine à café, la fumée se propage vers les plaques de cuisson encore grasses des fritures de midi, l’évier est vide, on voit la vaisselle qui sèche, une tâche d’homme sur les assiettes blanches luisantes, des bouts de sa peau sur les couverts, des miettes de pain sur le vieux four électrique en panne, quelques mouches qui se posent et s’envolent vers l’étagère d’une vingtaine de livres, des livres de littérature, de poésie, en vrac, sans classement particulier, surement ceux qu’on ne savait pas où mettre, une rangée de livres qu’on a pas lu depuis longtemps, sur laquelle on a posé un tableau, Qui représente trois livres ouverts les uns sur les autres, leurs pages sont vierges, Au dessus de la porte en bois entrouverte , pour faire sécher dans le courant d’air les torchons sales, derrière l’homme qui n’a pas bougé d’un cil, un mur sombre où sont accrochés des cadres, la photo de la mère morte, souriante sur un banc d’un jardin public, des masques Du carnaval de Venise recouvert d’un sac plastique d’un super marché d’Hanoi, d’autres peintures, l’une représentant des fromages, un autre est la table de travail du peintre, dessous la commode, quelques bocaux servant de range-baguettes, un Benoit Serres Prunes Reines-Claude Fruits Boutet distillerie fondée en 1841, un autre bigarreaux, avec un dessin de cerises, au marasquin, le dernier de raisins à la liqueur, à côté du petit frigo sous l’escalier pentu, un vieux calendrier du village d’ici, il y a 100 ans, l’araignée qui descend sur sa toile, sous les marches, jusqu’au sac carrefour par terre, devant la porte coulissante sur la grange, le volet bleu fermée sur elle, les chaussures à l’entrée de l’homme, et la fenêtre, dans laquelle a disparu, parce qu’il n’y a plus de lumière, il a suffi de faire le tour de la pièce pour que la nuit tombe…

A propos de Anh Mat

Né en 1982 à Toulouse. 24 ans après, départ pour Saigon où je vis et écris. Errances littéraires et audiovisuelles sur le web depuis 2013. « Il y a quelqu’un », nouvelle (revue nerval) « Monsieur M », roman (publie.net) « cartes postales de la Chine ancienne »,poésie (éditions Qazaq) « Retour sur soi » éditions Qazaq » « au sujet de la vidéoécriture » (revue Oeuvres ouvertes) « Người nước ngoài » revue Dires résidence numérique sur Glossolalies.net, programmé au festival « extra LittéraTube », Beaubourg contributeur régulier chez « les cosaques des frontières » anime le site www.lesnuitsechouees.com