Je me peindrais en train de me peindre et ce serait facile puisqu’un grand miroir a été accroché au mur en face du lit où je me trouve en train d’écrire et, si je lève les yeux, je me regarde. Je me regarde et je vois la tête de lit et l’oreiller blanc, rectangle blanc sur fond taupe. À gauche dans le miroir, deux prises électriques, l’abat-jour noir de la lampe de chevet et, si je me redresse un peu pour élargir le champ : un livre (un gros pavé ambitieux), mon téléphone avec le fil du chargeur branché (mais finalement pas fiché dans le mur, problème d’adaptateur), une trousse et un carnet (pour les idées qui pourraient surgir la nuit) et les boule quies (vieille manie maintenant pour éteindre les bruits de la nuit, ici sirènes le soir et mouettes le matin). Si je sors du cadre reproducteur de l’image, image dans laquelle je suis et qui inscrit donc deux fois ma présence dans cette chambre, je peux ajouter un téléviseur écran plat fixé au mur, une commode blanche et, sur le plateau, les objets du petit-déjeuner (bouilloire, tasse, verre, café, thé, échantillons de lait). En contrepoint du petit rectangle noir de la télé, le grand rectangle blanc du rideau de la fenêtre est tiré. Un meuble à tiroir est calé entre la commode et un petit tabouret en plastique, puis s’alignent le bureau et la chaise, enfin le lit. Dans le lit, je suis allongée, et me trouvant allongée au milieu, je me vois, quand je lève un peu la tête, je suis dans l’image à cause du miroir qui reproduit effrontément les signes de ma présence dans la pièce, une présence physique, avec cette tête-là : les cheveux ébouriffés et les sourcils froncés – comme surprise de me rencontrer ainsi.