#anthologie #19 | Seventies

l’image de la Marianne du Robin des Bois de Walt Disney, en robe de mariée dans la boîte de fromage en portions, on l’aurait prise pour vierge

Mammouth écrase les prix

à l’ouverture du Leclerc de Roanne la famille endimanchée s’y rendit en R 16

le cartable à bretelles en simili cuir jaune et bleu fut le seul achat au Carrefour de Vénissieux, les parents regrettant déjà d’avoir cédé à la tentation d’y venir

sur les premiers yaourts aux arômes naturels de fruits La Roche aux Fées les figurines en plastique du charmeur de serpent et du serpent à sonnette sortant de son panier rond

dans les tablettes de chocolat Poulain les images étaient source de dispute

chez Paul & Nanny chausseur pour enfants à Lyon les enfants sont assis sur des petites chaises

le panier en osier pendu autour du cou de l’ouvreuse au cinéma quand elle passe dans les rangs à l’entracte

la raie des fesses du garagiste et des années plus tard celle du plombier

les trois ou quatre toiles cirées empilées les unes sur les autres sur la table de la cuisine parce qu’il ne fallait pas jeter mais remplacer

le curé portant une soutane trop courte

il fallait distribuer les cartes du jeu avant de démarrer la voiture parce que la boîte aux lettres étaient au coin de la maison

du cinquième étage on voyait sur le trottoir d’en face la cabine téléphonique pulvérisée par une voiture : à l’intérieur une personne téléphonait

une autre fois un cycliste renversé

le clochard sonnant à la porte des appartements

le laveur de vitres portant longue barbe rousse et grande échelle nous faisait peur

l’horloger pied noir, chauve et barbu sur la porte de sa bijouterie, aussi

les pâtisseries orientales orange et luisantes de gras et de sucre dans la vitrine

la femme que l’on croisait tous les jours en allant à l’école, elle avait une main en plastique

la peinture verte sur le visage des supporters de l’équipe de foot de Saint-Etienne

nos visages peints à la craie grasse lors d’une soirée étudiante, brousse africaine ou paysage de neige

les hommes reboutonnant leur braguette à la sortie des vespasiennes

tous les jours, le chignon haut et blond de Madame Janin balayant le trottoir devant sa chocolaterie

la verge des éléphants du Parc de la Tête d’Or traînant par terre quand ils urinaient

l’ours malheureux dans la cage d’à côté

chaque année à Noël la maquette d’un circuit ferroviaire à la gare des Brotteaux

Marie Myriam a gagné l’Eurovision. A l’école au pique-nique de fin d’année on chante tous Comme un enfant aux yeux de lumière.Deux boutons poussent sous mon maillot bleu ciel.

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

3 commentaires à propos de “#anthologie #19 | Seventies”

  1. les toiles cirées superposées, la soutane trop courte, la main en plastique , la verge des éléphants , les marques, enseignes, noms de lieux … par ces petits bouts de presque rien y être totalement. Merci

  2. Beaucoup d’instants partagés à quelques années d’intervalle à Lyon… l’ours malheureux, les éléphants excités et dingos, Paul et Nanny mais on était trop grands, on regardait de dehors, les maquettes de train… beaucoup de détails très justes qui reviennent en masse. Merci de ce Lyon-là.

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