« Toutes les images disparaîtront. » Annie Ernaux
il y avait, dans le XVème arrondissement de Paris, ce magasin de vêtements pour enfants dans lequel la vendeuse actionnait une poupée qui marchait toute seule pour faire tenir les enfants tranquilles pendant les essayages
dans un atelier d’une tréfilerie câblerie, une douzaine de femmes en blouses bleues rectifient des filières. À l’aide d’une pointe de bois trempée dans de la poudre de diamant, elles élargissent le trou de la pièce pour le mettre à une cote supérieure. Le contremaître derrière son bureau vérifie le travail à l’aide d’un « palmer ». C’est le mari de l’une des ouvrières
dans le sud de Madagascar, des statues en bois avec des verges énormes et dressés. Elles sont destinées à orner les tombes des hommes puissants
les chaussettes noires, les chaussures « cycliste », les jupes « cloche » écossaises portées avec des bretelles
un invalide de guerre, installé dans un coin de porte, propose aux passants des billets de la Loterie nationale. À coté de lui, c’est une remailleuse de bas penchée sur son ouvrage
les bateaux gonflables, réclames de la marque d’essence Fina. Un original dans l’un de ces bateaux, sur le canal latéral à la Garonne, observe les oiseaux avec des jumelles
une envolée de mouettes, ce sont les cornettes des Filles de la charité, rue du Bac, à Paris
le légionnaire qui gardait la barrière de la plage d’Orangéa, au nord de Madagascar, il s’appelait Georgio, avait des dents en or et toute sa fortune dans la poche de son short : un rouleau de billets maintenu par un élastique
les landaus des bébés poussés par des mères élégantes, au premier soleil du printemps
le manège dans un des préaux du lycée Camille Sée. Autrefois ce lycée du XVème arrondissement de Paris, accueillait des filles du jardin d’enfants aux classes de propédeutique, d’où la présence de ce manège
les mistrals gagnants, les roudoudous, les cocos Boer, les caramel à un franc, les boules de coco, les bâtons de réglisse, les premiers malabars
tous les matins, à l’internat du lycée Jules ferry de Madagascar, chaque élève trouvait à côté de son bol de petit déjeuner un pain de 400 g entier. C’était sa ration pour la journée
Big Balbo, son orgue de barbarie, Fips son singe animé, son gilet rouge couvert de pins, son manteau écossais, ses rouleaux de musique qu’il avait perforés lui-même. Dans sa première vie, il avait été pilote de ligne
les adolescents, appareillés à la suite de poliomyélite, il y en avait dans chaque lycée, les lépreux sur leur chariot à roulettes dans les rues de Dakar
un homme descend du coteau dans le brouillard matinal, son fusil de chasse à l’épaule. Son chien le suit
les premiers tampons périodiques de la marque Tampax
les vespasiennes du boulevard Saint Germain, elles étaient réputées pour être des lieux de rendez-vous des homosexuels. Il n’était pas rare de voir, à la position de leurs pieds, deux hommes penchés l’un vers l’autre. Elles ont été démolies
la chanteuse de rue dans la cour intérieure d’un bloc d’immeubles « du gris que l’on prend dans ses doigts et qu’on roule / c’est bon, c’est fort, c’est âcre comme du bois,/ça vous saoule », les fenêtres qui s’ouvrent, les gens qui lancent des pièces, certaines emballées dans des morceaux de papier pour éviter qu’elles ne se perdent, merci, merci, « je sens que mon âme s’en ira moins farouche / dans la fumée qui sortira de ma bouche »
ne pas confondre secouer les nouilles et se nouer les couilles
« si j’aurais su, j’aurais pas venu »
Fascinantes évocations d’une époque révolue et qui fait rêver à un paris quasi Mythologique pour le quarantenaire que je suis. Et puis cette chute la guerre des boutons ! Merci pour toutes ces images qui resteront
Oh merci Camille ! Paris a bien changé depuis mon enfance. Mais chaque génération ne fait-elle pas revivre la ville à sa façon ?