#anthologie #19 | Fragments

le propriétaire de ce château traversant la belle pelouse verte dans une voiture de golf. En contrebas, un mur de pierre prenait le soleil de fin de journée. Des vignes non loin.

mon père hurlant comme un fou au pied du sapin de Noël. Son visage déformé par la colère.

une ruelle proche de la mer quelque part près de Malaga, fin de journée, des jeunes autour d’un scooter s’affairant dans la pénombre. 

la cours de la maison de mon amie Oumaïma, une journée de mai, le salon marocain aux coussins dorés et rideaux lourds.

la mère d’Oumaïma au réveil d’une sieste, à demi assise dans son lit me disant que mon père « est un génie ». Le sol en carrelage blanc et froid. 

ces deux adolescents me courant après au milieu d’un terrain de foot abandonné, leurs visages fous, la forêt tout autour.

la première fois. Les contours de son visage dans la semi obscurité de la pièce, le préservatif jaune fluo brisé par mes mains maladroites.

cette petite fille dans une publicité pour je ne sais quoi, portant une perruque blanche, le visage fariné, chantant « le monde est fou, fou, fou, voyez-vous ».

un vieux monsieur Arabe prenant par derrière une grosse femme Roumaine derrière un arbre en contrebas du terrain de basket où l’on fumait des joints. Sa démarche lente après coup le long du mur couvert de graffiti au bas de la pente herbeuse. Sa moustache, sa canne.

Un ballon d’hélium m’échappant des mains au milieu du parc de Disneyland, la tête de Minnie s’éloignant seule dans le ciel bleu.

les lumières de la ville à travers la baie vitrée de l’appartement de Tati. Clignotement, pointillés, des coins de la ville vus de loin, tantôt rassurants tantôt inquiétants. 

mon visage dans le miroir de la salle de bain, j’ai à peine dix ans et il me semble déceler une première ride entre les deux sourcils.

les visages de Jacques Chirac et de Jean-Marie Le Pen se disputant la présidence du pays dans la petite télévision de la chambre de mon père. Celui-ci, inquiet, gratte frénétiquement la peau de l’intérieur de son pouce. Il dit : « S’il passe, je quitte la France ».

la chambre d’un hôtel à Djerba. Les murs sont blancs, la lumière du jour arrive du plafond. Ma mère coupe les ongles de mon père qui hurle de douleur. 

La piscine de la résidence de Saint-Raphël le matin, encore vide, premier plongeon dans l’eau fraîche.

Le chemin vers le port de Saint-Raphaël, enfilade de ruelles pavillonnaires désertes écrasées par le soleil. 

le jardin de mes grands-parents par un après-midi d’été, interminable. Le grillage qui séparait leur pelouse de celle de mon grand-oncle. Au loin, sa maison. Ma grand-mère et ma mère me lavent dans une bassine.

ma cousine aspirant du pineau par le tube caoutchouteux du fût, quelque part dans une remise.

Claudia Schieffer secouant ses cheveux blonds et brillants dans une publicité pour du shampoing.

la chute de cette femme qui ne disait jamais bonjour, vue à travers la baie vitrée du hall d’accueil du siège d’Air France. 

les intérieurs feutrés et les brushing brillants des personnes des Feux de l’Amour dans la petite télévision du salon de mes grands-parents. 

les motifs colorés projetés par une veilleuse sur le plafond de ma chambre d’enfant. 

A propos de sephora_shebabo

Je suis née en 1995, Montreuil est la ville dans laquelle j'ai passé mon enfance et vis encore aujourd'hui. Écrire, filmer et photographier constituent le coeur de ma pratique à travers laquelle je m'interroge sur le récit, la trace et la mémoire. Je poursuis actuellement un double master en Textes et Création Littéraire à la Cambre et à l’École Nationale Supérieure d'Arts de Paris-Cergy.

Laisser un commentaire