une nuit je meurs quatre fois quatre fois je ne vois ni ne sens mon corps, je sais que je meurs c’est tout –, je suis soulagé, je suis soulagé d’être soulagé, je ne suis pas seul je vois des mains je vois que les mains m’appellent me font signe ce sont des mains amicales connues rassurantes mais je ne vois pas leurs visages – je suis rassuré d’être rassuré (ce n’est que ça alors ? ce n’est pas si terrifiant !) je me réveille à moitié et je replonge dans le sommeil décidé à recommencer, quatre fois, peut-être trois
sur le présentoir une carte postale, reproduction d’une publicité pour le chocolat Turenne la couleur, le graphisme me rappellent la boîte ya bon banania et personne n’a encore vraiment relevé le propos raciste, pas plus que Tintin le missié au Congo j’ai longtemps gardé la reproduction fanée sur le mur
le bâtiment bleu du lycée technique à Firminy comme une jetée sur pilotis sépare en deux les cours
celle des élèves du lycée classique
celle des élèves du lycée technique
je le vois toujours d’en haut – sans savoir comment ni pourquoi
les deux univers ne se mélangent jamais et ça ne me surprenait pas – je rêve encore que j’erre dans les escaliers, le long de couloirs carrelés infinis et sonores, parfois je crois bien que je passe d’un bâtiment à l’autre
le collier de petits bonbons jaunes, blanchâtres, orangés, qu’il fallait casser desceller d’un coup de dent croquer à même la ficelle – chaque couleur au même goût sucré et indéfinissable
et la poudre dans les tubes plastiques à déchirer avec les dents –
piquait le nez
les pavés rue de la Loire brillent sous la pluie glissante le volet de la porte de l’aumônerie est fermé
marchant devant les fenêtres aux appuis larges, derrière le rideau la télévision, les napperons en crochet pour les accoudoirs et les nuques. À l’extérieur les têtes de berger métallique à relever et enclencher pour bloquer les volets
les hautes grilles vertes de l’école normale de St Etienne, les grilles vertes de l’école primaire, le portail vert du parc les bancs verts, le tourniquet vert les balançoires vertes les années vert-public ?
milkbar, avant c’était le magasin des disques dans les bacs avec les séparations des lettres de l’alphabet, les gros casques noirs et chauds sur les oreilles, ou inversement, bébé rose, vert perroquet
Je me souviens d’orange et de gris
ça existe encore ?
le carton coincé dans les rayons du vélo
en passant au pied du lit de l’homme mort un frémissement fait bouger le drap
les épaules blanches et la tête loin au milieu du fleuve sombre entre les collines de genêts, un jour le feu
frotter le bout du sarment incandescent contre les pierres de suie, brisures d’étoiles fines à travers le noir, voltiges des cercles de feu, attention vous allez mettre le…
une main froide et sa ronde sur mon ventre des lunettes une peau pâle
les panneaux Vasarely boursouflés dans la rue pour l’exposition – où ?
Le cours Mirabeau où coulent les fontaines, lui mystérieux à l’angle d’une rue toujours avec une grande cape et une canne (?),
les visages masqués du carnaval de Venise chaque année aux infos
La voix de la blouse blanche : s’il ne mange pas on le mettra en perce
L’arrêt de bus sous les arcades la pluie et le noir d’hiver
Le magasin André
le magasin Pantashop
les pompes funèbres à côté de l’hôpital
le Rallye et l’éclat des carrosseries sur la colline
Mammouth
Ses visions entremêlées d’éveil, un saisissement ! Elles prennent une importance capitale — petit bonbon ou haute statue — précises à l’extrême (frotter le bout du sarment incandescent contre les pierres de suie, brisures d’étoiles fines à travers le noir, voltiges des cercles de feu, attention vous allez mettre le…) ou auras mystérieuses (Je me souviens d’orange et de gris). Merci,