Mon album de photos, celui de mon téléphone et les quelques tirages en papier trop brillant que je garde dans une boîte, ce dossier photos que j’ai maintenant, commence quand j’ai vingt ans. Rien avant. Quand je suis parti de chez mes parents, enfin de chez mon père, je n’ai rien emporté, ils ne m’ont rien donné, ni lui ni sa nouvelle femme ni ses nouveaux enfants et de toutes façons, je ne voulais rien prendre. Depuis, comme on ne se parle plus, pas non plus de photos et c’est très bien comme ça.
Il y en a eu, des photos de moi quand j’étais petit, je me souviens des images, parfois même du moment, de l’endroit, de qui était derrière l’appareil, de l’avant et de l’après, du pourquoi ce jour-là et pas un autre jour. Des photos de moi sur un tricycle, avec un immonde short en tissus éponge d’un jaune à faire pâlir un canari, torse nu, sandalettes en plastique, fier comme un pilote au volant de sa Formule un sur mon engin en tubes rouillés, à peine vissé, même pas soudés, consolidé avec des autocollants Castrol, de quoi empaler des générations de marmots, sans oublier les roues en plastique qui faisaient un boucan d’enfer sue les dalles de la terrasse dans cette maison au bord de la mer que louaient mes grands-parents pour réunir les cousins. Ou encore, le bébé rose et moche du faire part, les yeux fermés et la bave au coin du bec, avec un texte mièvre écrit en lettres dorées avec fausse ombre bleu (bleu pour les garçons). Il y en a eu beaucoup de ces photos devant le sapin de Noël, la fête de l’école, les mariages de cousines ou cousins, les baptêmes, mes débuts en ski de fond, mais juste les débuts. Des photos de famille. Que sont-elles devenues, toutes ces photos de famille, maintenant qu’on n’est plus une famille ?
Nous nous suivons dans notre retard, ça me fait du bien de te savoir pas loin. Oui, que deviennent ces photos ?
Dans les brocantes il y a souvent de vieux albums remplis de photos noir et blanc la plupart du temps qui sont en vente. Je ne m’en suis jamais procuré, peur de rentrer dans leur intimité ?, peur de m’approprier les joies et les peines d’une autre famille ? Je ne sais pas…
Retard partagé, et merci du compagnonnage, ça aide. Quand à la question des photos, elle reste entière, encore un champ de plus qu’il faudrait explorer…
nouvelle femme, nouveaux enfants : tout est là déjà dès le début, par contraste, merci pour ce texte Juliette