La photo de groupe
Faire tenir ensemble tout un groupe, le figer un instant pour prendre la photo, qu’on voit toutes les têtes souriantes sans qu’aucune ne soit floue. Imaginez comme c’était difficile quand les temps de pose dépassaient la minute ! les professionnels avaient trouvé la parade : des poses individuelles, parfois même avec support pour éviter le mouvement, qu’on rassemblait sous l’agrandisseur avec des caches et des découpages. Aujourd’hui, avec des temps de pose infra seconde, des astuces, des mots-clés président à l’exercice « cheeese », « ouistiti », « money » pour détendre les mâchoires et allumer les yeux, un mouvement de chute les uns sur les autres pour faire moins sérieux.
Car pourquoi fait-on des photos de groupe, pour montrer qu’on est ensemble, heureux d’être ensemble, qu’on a choisi d’être ensemble. Le risque de la photo de groupe, c’est le sérieux, l’ennui. Le petit malin qui fait des cornes au maître sur la photo de classe l’a bien compris. Photos de classe, d’association, de gouvernement, d’équipe, d’équipage, d’anniversaire, de mariage, de famille… la photo de groupe a encore un bel avenir.
La série
La série raconte une histoire. La série ne prend sens (parfois obscure) que par la juxtaposition des images. On expose désormais des séries et non des images. La série limite la profusion des images. La série oblige au choix. La série en appelle au sens autant qu’à l’esthétique. Si la série n’est que collection, elle est ratée.
La story
Tout un art, loin d’être facile à maîtriser. Mêlants photo et vidéo, texte et émojis. Petit reportage éphémère.
Le palimpseste
Écrire sur ce qui a déjà été écrit. Faire comme les peintres comme les écrivains. Parfois la photo se lasse de son immédiateté, de son manque de profondeur temporelle, de son instantanéité. L’instant décisif l’ennuie. Elle aspire à autre chose. Elle ne réussit pas toujours.
Le montage-photo
J’ai passé beaucoup d’heures à réaliser des montages-photos, à mettre ensemble des images qui inventaient un monde. Pratique gourmande en temps, génératrice de troubles musculo-squelettique, fictionnelle et réjouissante. Pour moi, la photo n’a jamais eu rien à voir avec la vérité.J’ai arrêté, je ne m’en sers plus que pour faire des affiches ou rajouter un absent sur une photo de groupe. Les images produites par IA ne m’intéressent pas, trop impersonnelles.
L’autoportrait
Fascinant comme toute mise en scène. Très personnel.
Le noir et blanc et la couleur
Sans commentaire
La photo culte
L’image que tout le monde a vue. Le soldat de la guerre d’Espagne qui tombe sous les balles, la petite fille qui court sous l’incendie de napalm, les yeux clairs de la petite Afghane. Photo de guerre souvent. Pas toujours. Innombrables photos de Marilyn Monroe, reconnaissable entre toutes.
La photo animalière
Ce qui me plait dans la photo animalière, c’est l’affût. Les longues heures passées à attendre le sujet, les précautions à prendre pour ne pas être repéré, la connaissance qu’il faut en avoir pour se placer au bon endroit, à la bonne lumière, au bon vent. Une méditation qui se solde parfois par l’échec, parfois par la plaque, jamais par la déception. Avoir vécu avec l’animal, comme l’animal et parfois l’avoir entre aperçu seulement suffit. Il y a bien sûr la fausse photo animalière, suréquipée, harnachée, à des centaines à attendre le lever ou le coucher des grues cendrées à Montier de Der avec des 600, des 800, des 1200 sur pied ! Qui coutent le prix d’une voiture !
La photo exotique
Dans n’importe quelle exposition de club photo, vous verrez de ces photos de voyage,de mendiants de Calcutta, d’enfants nus du Sénégal, de paysans du Mexique… Le photographe a voyagé… et veut que vous le sachiez. L’exotisme du sujet est son sujet, sa technique et son propos.
La photo de nu
Fréquente aussi dans les expositions de clubs photo, la photo de nu n’a pas mon assentiment. Outre qu’il s’agit le plus souvent de corps de femmes, on y sent la fausseté du voyeur empêché. Mappelthorpe, oui d’accord !
Les procédés anciens
Photographier au collodion humide est à la mode, les tirages de photos faites au collodion humide ont un public, c’est un marché. L’exploit, c’est la technique, sa dangerosité, son incertitude, sa durée, son rendu dépassé. Mieux encore si vous procédez en itinérance en vous imaginant faire partie d’une expédition sponsorisée par Albert Kahn.
La photo infrarouge
Voir ce qui se passe dans le noir, voir ce qui se passe même quand on n’est pas là, voir comme à la guerre, comme une enquête. Se faire détective, espion, saisir ce qui se cache. De toutes les innovations techniques, c’est ma préférée. J’en aime le rendu fantomatique et mystérieux.
Le photographe d’orage
Beaux clichés, mais trop dangereux. La version hard du photographe de couchers de soleil.
La photo floue
Incontestablement, elle a son charme. Elle incite au rêve, au voyage, à l’ailleurs. Celle-là on ne la fait pas deux fois.
La photo manquante
Que ce soit sur un profil (facebook, Instagram, Linkedin…) la photo manquante interroge, surprend, déplait. Pourquoi cette absence, que veut-on cacher, qui veut-on supprimer, dissimuler ? On aime savoir à qui on a affaire, on a besoin de l’image.
Le droit à l’image
Essayez de prendre en photo des enfants qui jouent dans un square, vous aurez tout de suite un parent qui vous rappellera le droit à l’image quand ce ne seront pas les enfants qui vous demanderont à être payés. Je fais chaque année signer aux parents un document autorisant à utiliser les photos de leurs enfants.
Le photographe et l’écrivain
Allier photographie et écriture est une ignominie pour certains puristes. La photo doit suffire à dire ce qu’elle a à dire, tout le reste n’est que commentaire. L’écrit doit savoir montrer sans support autre que les mots. Pas besoin d’illustration. J’aime pourtant cette alliance (mésalliance). Pour les plus récents : S’enforester (Baptiste Morizot et Andrea Olga Mantovani), Un endroit inconvénient (Antoine d’Agata, Jonathan Littell) m’apportent quelque chose que je ne trouve pas ailleurs, deux regards habités.
Jacques Henri Lartigue
J’ai une tendresse toute particulière pour les photos de Jacques Henri Lartigue, ses photos de jeunesse surtout. Faire autobiographie avec des albums photo est un projet qui me touche. Consacrer la photo à l’écriture de soi, en avoir le loisir et ne faire que ça, tout un projet de vie.
Photo de famille
On trouve en chinant de vieux albums de photos de famille, certains se font même une spécialité de les rechercher. Ces trésors, souvent de qualité esthétique et technique (l’arrière-arrière-grand-oncle qui était derrière l’objectif n’était pas n’importe qui). Ils nous apprennent parfois des choses ignorées comme cette excursion de mon arrière-arrière-grand-mère , brave paysanne forézienne, en Égypte au pied des pyramides vers 1880.
Revues photo, clubs photo
La photo, c’est comme le sport, cela se pratique en amateur et pas seulement en professionnel. Comme l’écriture aussi. Vive la pratique !
La photo, comme l’écriture, qui n’aurait rien à voir avec la vérité. Ce qui me parle infiniment ! Et merci pour le dernier fragment !
Merci Marlen. Ce que j’aime dans la photo, c’est qu’elle délie les langues : tout le monde a une pratique et des choses à dire.
yes ! vive la pratique !
Oui, la pratique. Encourageons toutes les pratiques, une bonne façon de se détourner de la consommation (encore qu’elle s’inscruste et cherche à dénature toute les pratiques…)
Bonjour de Lissieu, qui vote à 35% RN